Saviez-vous que Chris Moyen n’est pas à l’origine de l’illustration pourtant emblématique qui orne le premier album des Canadiens de Blasphemy ? En effet, même si les deux parties ont été amenées à collaborer largement depuis, celle-ci est l’œuvre d’un ou d’une artiste répondant au simple nom de Conny. Cette personne dont on ne sait rien (en tout cas mes quelques recherches sur le sujet se sont avérées infructueuses) signait il y a plus de trois décennies une contribution devenue aujourd’hui iconique dans le milieu du Metal extrême et qui par ailleurs a très largement contribué à façonner l’image de Blasphemy et de manière plus générale l’identité visuelle de la scène Black Metal dite bestiale ou pour les plus belliqueux ce que certains se plaisent à nommer le "War Metal". Alors évidemment en 2025 tout a déjà été dit au sujet de
Fallen Angel Of Doom….. Pourtant, comme vous pouvez le constater, cela ne m’a pas m’empêché de m’y intéresser car qu’on le veuille ou non, il s’agit bien d’un incontournable du genre. Un disque essentiel et fondateur qui trente-cinq ans après ne peut décemment pas être occulté et cela même si le groupe et sa musique n’ont jamais fait l’unanimité.
Sorti en août 1990,
Fallen Angel Of Doom…. marque l’arrivée des Canadiens dans les rangs de Wild Rags Records, célèbre label californien qui, en dépit de son rôle prépondérant dans le développement de la scène underground américaine (on lui doit notamment (parfois pour le seul continent nord-américain) les premières sorties de groupes tels que Sadistic Intent, Order From Chaos, Impetigo, Necrophagia, Gammacide, Recipients Of Death…), aura enfumé financièrement bien des groupes qui malheureusement ne verront jamais (ou alors une partie seulement) les dollars qui pourtant leur étaient dûs.
Accompagné de Marco Banco aka The Traditional Sodomizer Of The Goddess Of Perversity (ex-Witches Hammer (avant de relancer la machine en 2018), ex-Tyrants Blood et grand amateur de musculation) venu remplacer Blake Cromwell à la seconde guitare, le groupe canadien retourne investir les Fiasco Bros. Studios de New Westminster afin de coucher sur bande ces quelques nouvelles (et parfois anciennes) compositions. Un enregistrement quelque peu contrarié puisque la nouvelle Ibanez achetée par Marco pour l’occasion sera oubliée sur le toit de sa voiture et finira éclatée en plusieurs morceaux sur la bitume. Une anecdote qui a de quoi faire sourire aujourd’hui mais qui obligera le musculeux guitariste à enregistrer ses parties avec un instrument de piètre qualité dont il se serait bien passé. Est-ce là la seule raison qui explique la production particulièrement bancale de ce premier album ? Difficile à dire, mais une chose est sûre, elle est aujourd’hui encore l’un des éléments les plus clivants lorsque l’on aborde la pertinence et la portée de ce premier album. Inaudible pour beaucoup, culte pour une poignée d’irréductibles,
Fallen Angel Of Doom…. est effectivement un album qui divise et la qualité la production y est pour beaucoup.
En effet, le plus gros problème ici est le manque flagrant de lisibilité qui empêche notamment de saisir la teneur des riffs de Blasphemy. Alors je vous l’accorde, le Black Metal des Canadiens n’a jamais brillé par sa complexité mais le souci est qu’il faut ici systématiquement s’astreindre à poindre l’oreille pour espérer saisir de quoi il retourne (et encore, même en le faisant, cela reste parfois très compliqué). Ajoutez-y une interprétation pour le moins approximative et chaotique avec tous ces solos évidemment bordéliques, la voix imbibée d’un Gerry Joseph Buhl en mode chien de garde ultra-zélé et une batterie tout en cymbales et vous tenez-là un album primitif et bestial effectivement compliqué d’accès.
Sorti un an après l’excellente démo
Blood Upon The Altar dont il reprend d’ailleurs trois des neuf compositions qui la compose ("Demoniac", "Ritual" et "Weltering In Blood"),
Fallen Angel Of Doom…. renoue naturellement avec ce Black Metal cacophonique mené tambour battant. Une formule pas bien compliquée et pour le moins répétitive qui se partage entre accélérations bestiales menées le couteau entre les dents, riffs Punk / Thrash archaïques exécutés évidemment à toute berzingue, ralentissements chaloupés à rendre bête n’importe quel prix Nobel et autres paroles blasphématoires qui en dépit de leur caractère à la fois juvénile et cliché traduisent une vision certes excessive mais néanmoins empreinte d’une certaine réalité :
"Ross Bay grave black mass begins
Blasphemous prayers are being chanted backwards
Black Pentagram cult are ripping up dead corpses
Burning the chapel the holy will die
Death to all angels fall from the sky death and destruction
Satanic slaughter flames tonight holy god die
Christ will burn in blackened tombs sacrifice hooded demons virgin slayed ritual
Black witching Metal drink the sluts blood
Bloody dripping orgy"
Car après tout, ce qui a contribué à l’orée des années 90 à la renommée de Blasphemy n’est pas lié uniquement au caractère bestial et blasphématoire de sa musique mais également à son attitude et à ses multiples frasques en dehors des studios. Banni des quelques salles de concerts de la région de Vancouver à cause de toutes ces bastons et destructions qu’il a probablement parfois aidé à initier, les membres du groupe ont également été arrêtés à de nombreuses reprises par la police, dont une fois pour dégradations de pierres tombales et possession d’armes à feu et d’explosifs en tout genre (grenades, cartouchières, etc). Aussi, il s’est toujours dégagé de la musique de Blasphemy mais également de ses membres quelque chose de terriblement dangereux et de transgressif qui ne pouvait évidemment qu’exciter les (jeunes) amateurs de Black Metal et autres musiques extrêmes en quête de sensations fortes. Une aura toute particulière qui doit donc autant à sa musique jusqu’au-boutiste qu’à son mode de vie excessif.
Album majeur de la scène Black Metal,
Fallen Angel Of Doom…. est malgré tous ses défauts un disque fondateur qui ne manquera pas d’influencer des dizaines et des dizaines d’autres formations, qu’elles soient canadiennes (Antichrist, Conqueror, Revenge...), finlandaises (Archgoat, Beherit...), brésiliennes (Sarcófago, Mystifer, Goatpenis...), américaines (Black Witchery, Von, Profanatica...) et j’en passe. Un disque culte pour tout un tas de raisons, qu’elles soient musicales ou extra-musicales et qui trente-cinq ans plus tard possède toujours cette même aura transgressive et dangereuse. Et s’il est dommage que le groupe se soit quelque peu fourvoyé depuis quelques années en enchainant les prestations scéniques bien souvent discutables et les sorties à l’intérêt pour le moins limité (live à répétition, versions alternatives de vieilles démos, enregistrements de répétitions...), on gardera tout de même à l’esprit que Blasphemy est l’un des groupes ayant contribué au façonnement de la scène Black Metal dans ce qu’elle a de plus cru, de plus violent et de plus primitif et que si cela ne constitue en aucun cas un exploit, cela mérite encore d’être salué trente-cinq ans plus tard.
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