Habitués très tôt à voir leur effectif régulièrement chamboulé, les Néerlandais de Sinister n’ont pas dû être particulièrement perturbés à l’annonce du départ de leur guitariste André Tolhuisen. Une situation tellement "normale" que les trois rescapés n’ont même pas cherché à embaucher qui que ce soit pour le remplacer puisque c’est effectivement le bassiste Bart Van Wallenberg qui pour l’occasion a choisi d’élargir son champ d’action en occupant les positions de bassiste et guitariste à temps plein.
Sorti en juillet 1995, c’est-à-dire moins d’un an et demi après l’excellent
Diabolical Summoning,
Hate poursuit cette collaboration entamée deux ans auparavant avec l’artiste et illustrateur américain Wes Benscoter. Ce dernier que l’on ne présente plus aujourd’hui signe pour l’occasion une œuvre peut-être pas aussi mémorable que celle de son prédécesseur (et encore, ça reste à voir) mais une œuvre de son époque qui trente ans plus tard a su conserver tous ses charmes puisque de ce démon ailé et menaçant à ces visages déformés de peur et de douleur en passant également par ces couleurs sobres volontairement passées on tient là une illustration encore très engageante malgré un côté peut-être un petit peu générique aujourd’hui.
Pour ce qui est de la production de ce troisième album, les trois membres de Sinister ont fait appel cette fois-ci à Oliver Große-Pawig (Channel Zero, Enthroned, Massacra, Occult, Sodom...) et Wolfgang Stach (Channel Zero, Sodom, Virgin Steel, Warpath...). Ces derniers vont offrir aux Néerlandais une production qui trois décennies plus tard a forcément un petit peu vieilli, surtout cette batterie qui sans être en défaut accuse tout de même un petit peu le poids des années (je lui trouve personnellement un petit côté étouffé ainsi qu’un son un brin synthétique sur la caisse claire).
Avec le départ d’André Tolhuisen remplacé au pied levé par le bassiste Bart Van Wallenberg, on aurait pu légitimement penser que la musique de Sinister prendrait du plomb dans l’aile. La vérité c’est qu’il n’en est absolument rien puisqu’à vrai dire
Hate s’est rapidement imposé comme l’album le plus technique de la formation néerlandaise. En effet, sans rien changer à sa formule toujours très inspirée par le Death Metal virulent de Deicide et Malevolent Creation, le groupe originaire de Schiedam et notamment son nouveau guitariste vont faire preuve d’un enthousiasme renouvelé et surtout particulièrement débordant. Aussi ce troisième album va très vite faire forte impression grâce une fois de plus à de nombreuses démonstrations de force particulièrement musclées (je pense évidemment à toutes ces salves de blasts brèves et intenses dispensées généreusement tout au long de ces trente-neuf minutes comme par exemple sur le tonitruant "Awaiting The Absu", "Art Of The Damned" à 2:46, "18th Century Hellfire" à 3:09, "To Mega Therion" à 0:25 ou "The Bloodfeast" à 1:59, etc) et autres accélérations thrashisantes toujours aussi redoutables d’efficacité ("Embobinent Of Chaos" à 0:43, "Unseen Darkness" à 1:14, « 18th Century Hellfire" à 0:58, "To Mega Therion" à 0:44, "The Cursed Mayhem" à 0:39...). Mais c’est surtout le riffing particulièrement ciselé et nerveux de Bart Van Wallenberg (mis notamment en exergue lors de ces passages les plus soutenus évoqués plus haut) et la propension de Sinister à changer régulièrement de rythme qui impressionnent (encore) à l’écoute de
Hate. Ainsi, à la manière de ces groupes américains dont il s’inspire, Sinister nous offre une fois encore un album particulièrement tendu dont la nervosité est assurément l’un des atouts majeurs.
Mais si les Néerlandais ne plaisantent pas le plus clair du temps, ces derniers n’hésitent jamais à modérer leurs ardeurs. Pour se faire, le groupe va tout simplement lever le pied et offrir ici et là quelques respirations que ce soit grâce à des moments au groove subtil mais néanmoins délicieux ("Awaiting The Absu" à 0:39, 2:10 et 5:20, "Embobinent Of Chaos" à 0:59 et 2:04, les premières mesures de "18th Century Hellfire" et "To Mega Therion", "The Cursed Mayhem" à 1:10 et 2:29), quelques instants plus lourds (ce long passage sur "Awaiting The Absu" entamé dès 2:49, "Embobinent Of Chaos" à 1:39, "The Bloodfeast" à 0:20, 0:34, 0:49 et 1:04) ou bien encore par le biais de titres plus en retenu ("Art Of The Damned" qui concentre à la fois groove et lourdeur ou bien encore l’essentiel d’"Unseen Darkness"). Une manière pour Sinister d’apporter comme toujours ce qu’il faut de contraste supplémentaire à des compositions déjà bien nuancées et au passage amener un petit peu plus de profondeur à une formule qui sinon aurait pu très vite trouver ses propres limites.
Bien qu’il ait été très vite relégué en seconde division à cause d’une arrivée un petit peu tardive sur le devant de la scène (première démo en 1990 et premier album deux ans plus tard), Sinister a pourtant signé trois premiers albums particulièrement remarquables. Certes, Deicide et Malevolent Creation étaient tous les deux déjà passés par là bien avant mais sur la scène européenne, relativement rares étaient pourtant les formations à jouer dans le même registre, celui d’un Death Metal thrashisant particulièrement virulent et aux relents sataniques et blasphématoires extrêmement prononcés. Aussi après avoir vanté les mérites de
Cross The Styx et
Diabolical Summoning, il n’était absolument pas concevable de faire l’impasse sur l’excellent et au moins tout aussi recommandable
Hate qui brille des mêmes atouts bien qu’à mon avis il soit d’un cheveu l’album le plus abouti de ce début de carrière mouvementé. Beaucoup plus discutables, les quelques albums sortis à la fin des années 90 et au début des années 2000 témoignent des difficultés qui auront une fois de plus marqué la carrière des Néerlandais qui en dépit de toutes ces galères accumulées finiront par relever la tête afin de poursuivre comme l’a écrit à plusieurs reprises Keyser une carrière de nouveau marquée par bons nombres d’albums bien plus engageants. Quoi qu’il en soit et bien que sorti à une époque compliquée pour le genre,
Hate est un album incontournable de la scène européenne des années 90. Un disque qui trente ans plus tard a su conserver toute sa force, toute sa puissance et toute sa pertinence. Bref, un indémodable qui se devait de trôner en ces pages.
2 COMMENTAIRE(S)
30/01/2025 08:00
29/01/2025 13:15