"According to inside sources, Vitriseptome is proving too impenetrable to listen to in a single sitting. So-called journalists are understandably struggling to absorb this absurdly long record to capture in their bite-sized reviews. This album was not created to satisfy short attention spans and flavour-of-the-week trend hunters. This is for the die-hards who respect challenging art and have remained true to this psychotic subgenre. We trust you are among them!"
Voilà ce que Mitochondrion publiait sur Facebook en octobre dernier. Du coup, c’est quand même avec un poil de pression que j’entame la rédaction de cette chronique en espérant être à la hauteur de cette tâche qui effectivement s’annonce pour le moins ardue puisque pour leur retour aux affaires, les Canadiens ont vu les choses en grand avec rien de moins qu’un double album dont la durée avoisine tout de même les quatre-vingt dix minutes... Un disque au long cours qui en effet devrait décourager toutes les personnes souffrant de troubles de l’attention et plus probablement toutes celles n’ayant jamais eu l’habitude (ou alors l’ayant tout simplement perdu à force d’Instagram, TikTok et autres applications participant à la déchéance de notre humanité) d’engager un peu de temps et de leur personne pour la bonne découverte et l’appréciation d’oeuvres musicales exigeantes telles que celle-ci.
Si vous n’avez pas encore fait vos calculs, ce sont treize longues années qui séparent la sortie de
Vitriseptome de son prédécesseur, l’excellent
Parasignosis. Il y a bien eu tout de même quelques parutions visant à nous faire patienter entre temps (un EP sorti en 2013 suivi trois ans plus tard par un split en compagnie d’Auroch) mais on ne va pas se mentir, il était temps que les Canadiens nous fassent profiter de ce travail de longue haleine qui les tient occupés dans l’ombre depuis déjà belle lurette. Car même si Shawn Haché et Sebastian Montesi ont été impliqués dans plusieurs autres projets ces deux dernières décennies (d’Egregore à Reversed en passant bien évidemment par Auroch ainsi qu’Atemporal, Iogsothep et plus récemment Ruinous Power), il est tout de même bon de préciser que l’écriture et la composition de
Vitriseptome ne date pas d’hier et que Mitochondrion a commencé à plancher sur ce nouvel album il y a déjà une bonne douzaine d’années...
Ceux qui ont tendance à parler sans réfléchir ou à ne pas se renseigner au préalable auront vite fait de s’imaginer que les quatre Canadiens auront préféré tirer au flanc toutes ces années mais la vérité est qu’au-delà de certaines galères logistico-techniques qu’il a bien fallu surmonter (problème d’ingénieur du son, problème de studio, problème avec les logiciels d’édition utilisés...), Mitochondrion est surtout habité par un sens du détail et de la perfection qui a rendu les différents processus d’écriture, de composition, d’arrangement et d’enregistrement terriblement longs et douloureux pour ne pas dire parfois laborieux. Un véritable sacerdoce auquel la formation dévouée à son art et à sa vision a su rester fidèle toutes ces années afin d’accoucher de
Vitriseptome, un disque qui en dépit de son caractère particulièrement exigeant parvient tout de même à s’imposer dès les premiers instants.
Composé de dix-sept nouveaux morceaux dont cinq interludes bruitistes et instrumentaux qui ont le bon goût de ne jamais s’éterniser (non pas qu’ils soient mauvais ni même inutiles puisque ces derniers offrent en effet quelques respirations bienvenues mais tout simplement que s’ils avaient été plus longs cela aurait probablement nuit au bon équilibre de l’ensemble), ce troisième album est un puissant maelström d’influences Black / Death à la fois terriblement primitives et en même temps bien plus sournoises, tarabiscotés et dissonantes. Un immense chaos bordélique et infernal qui peut sembler évidemment difficile à appréhender mais que paradoxalement Mitochondrion a pris soin d’orchestrer de manière particulièrement rigoureuse à travers des compositions léchées et savamment orchestrées. Des compositions extrêmement riches caractérisées par l’usage récurrent mais néanmoins discret d’instruments variés allant du synthétiseur à la flûte en passant par les timbales, la mandoline, la corne de brume, le bol chantant ou bien encore le quijada, un instrument d’origine sud-américaine utilisé en raclant à l’aide d’une baguette des dents partiellement déchaussées sur une mâchoire animale (cheval, âne, mule...). Hydre à quatre têtes, Mitochondrion a également toujours impressionné par sa prestance physique. C’est particulièrement vrai sur les planches où ce travail de vocalise mené de front par les quatre musiciens a quelque chose de terriblement puissant et hypnotique. Un constat qui l’est également sur album où la présence de ces quatre voix complémentaires (même si cela ne saute pas nécessairement aux oreilles) participe grandement au caractère bestial ainsi qu’à la stature résolument imposante (pour ne pas dire intimidante) de ce Black / Death terriblement dense et intransigeant.
D’un point de vue purement musical et malgré les treize longues années qui séparent
Vitriseptome de son prédécesseur, on ne peut pas dire que ce troisième album soit fondamentalement différent de ses prédécesseurs. Car même si l’écriture est effectivement plus fine et plus subtile, l’interprétation plus riche et variée et le contenu à la fois plus exigeant et plus ambitieux, on va tout de même retrouver tout au long de ces quatre-vingt-quatre minutes tout ce qui fait le charme et la particularité de Mitochondrion depuis toutes ces années. Ainsi, entre dissonances portaliennes, riffs caverneux, intenses et tarabiscotés évoquant en filigrane des formations comme Incantation et Immolation, intransigeance toute canadienne rappelant évidemment l’héritage d’entités telles que Blasphemy, Antichrist, Conqueror ou Revenge et interprétation organique pouvant là encore permettre de dresser un parallèle avec Portal et même Antediluvian, les Canadiens nous offre avec ce troisième album un disque effectivement exigeant mais finalement pas aussi difficile d’accès que le supposent son format, la durée de ses compositions ou les nombreux superlatifs déjà utilisés dans cette chronique.
En effet, en groupe virulent mais néanmoins expérimenté et réfléchi, Mitochondrion a parfaitement compris qu’afin de parfaitement servir son propos il lui fallait une production à la fois massive et respirante. Aussi les Canadiens ont beau occuper tout l’espace sonore avec leurs instruments, leurs voix, leurs dissonances et autres interludes bruitistes et suffocants, on ne peut pas dire que l’on peine à pénétrer chaque composition. En effet, tout est ici parfaitement lisible et bien balancé. Un équilibre ténu qui en dépit de la complexité et de la richesse de chaque titre permet de très vite s’immerger dans l’univers pourtant torturé et tortueux de la formation originaire de Vancouver. Mais cette production impeccable signée Nick Yanchuk (chanteur, guitariste et bassiste de Mitochondrion) et Xavier Berthiaume (Atramentus, Gevurah, Oriflamme, Sanctvs, ex-Cauchemar...) n’est pas la seule à participer à la bonne lisibilité de l’ensemble. Il convient en effet d’évoquer également toutes ces séquences moins directes et frontales proposées tout au long de cette "petite" heure-et-demi. Des moments plus en retenu qui permettent plusieurs choses :
- Accentuer le caractère dominateur de Mitochondrion.
- Apporter un petit peu d’air à des compositions qui souvent s’étirent sur plusieurs minutes.
- Varier les plaisirs et ainsi entretenir une véritable dynamique d’ensemble.
- Étoffer le travail d’ambiance en choisissant de mettre alors l’accent sur la mélodie, les dissonances, la lourdeur et/ou le caractère imposant qui caractérise la musique de Mitochondrion depuis tant d’années.
J’aurai pu, comme je le fais d’habitude, rentrer un petit peu plus dans le détail de chaque titre en évoquant ces superpositions de riffs intenses et tarabiscotés, de blasts et autres accélérations soutenues, de voix dominatrices et écrasantes et autres ralentissements débutés à telle ou telle minute j’ai préféré mettre l’emphase sur le caractère finalement "facile" et "immédiat" que revêt cet album pourtant effrayant et compliqué. Car si les morceaux à rallonge et les albums fleuves ne datent pas d’hier, il n’est effectivement pas rare d’entendre chouiner les auditeurs dès qu’un album s’approche dangereusement de la barre fatidique des soixante minutes. Alors effectivement,
Vitriseptome ne conviendra pas à tout le monde et nécessitera probablement un peu plus d’effort que la moyenne pour être appréhendé comme il se doit et ainsi être perçu à sa juste valeur mais comme souvent avec ce genre de coup d’éclat, il convient de saluer l’implication de Mitochondrion derrière cette vision artistique à la fois riche et exigeante donnant lieu ici à un album entier ne pouvant être abordé autrement que dans sa globalité. Exigeant mais parfaitement équilibré, dense mais lisible, intense mais varié, dissonant et chaotique mais pourtant adroitement composé et mûrement réfléchi,
Vitriseptome est un album pour le moins remarquable qui en plus de remettre Mitochondrion au coeur des discussions l’assoit encore un petit peu plus comme l’un des incontournables du genre. Une pièce de choix au sein d’une discographie pourtant déjà exemplaire.
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