Et le prix du soufflé qui retombe est attribué en 2024 à cette collaboration entre The Body et la chanteuse Dis Fig.
Peut-être suis-je le seul à avoir été au départ enthousiasmé puis déçu par cette réunion de trois personnes.
Orchards of a Futile Heaven a en effet reçu beaucoup d’éloges lors de sa sortie, voyant cette œuvre partagée entre Felicia Chen (a.k.a Dis Fig, ayant notamment déjà collaboré avec The Bug) et le duo Chip King / Lee Buford (qu’on ne présente plus) comme une réussite de musique industrielle éthérée et pop. Sur la forme, il s’agit effectivement de ce que propose cette collaboration, The Body renouant avec la part synthétique et rythmique de son identité après avoir écorché savamment nos oreilles avec le drone extrême de
I've Seen All I Need To See. La direction prise ici s’apparente davantage à celle de
I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer, où l’usage de mélodies et de claviers venait contrebalancer une noirceur et un chaos ambiants. Un choix qui va bien à Dis Fig, celle-ci possédant une voix aérienne que des intonations nasillardes – évoquant les incantations de sorcière de Jarboe – viennent contraster. Une ambiance cinématographique habille ces trente-huit minutes, quelque part entre trip nocturne lynchéen – on pense à ces routes sans fin que se plaisait tant à filmer le réalisateur – et horreur atmosphérique, moderne et démoniaque.
Le problème vient de ce que laisse entrevoir certains moments de
Orchards of a Futile Heaven, faisant rêver une collaboration future où le talent de ses créateurs – indéniable, bien que Dis Fig use trop souvent des artifices courants du murmure inquiétant et de l’hystérie possédée – exploserait totalement. Sans aller jusqu’à dire que cette collaboration soit de la même teneur que le digipack en carton avec lequel Thrill Jockey « honore » ses productions désormais – du vol pur et simple pour qui souhaite posséder autre chose que du digital ou un vinyle –, l’impression initiale finit par laisser place à un sentiment de « pas assez » lors de l’écoute de ces idées de morceaux auxquels il manque un peu de matière. Autrefois virus infectant ses collaborateurs (dont les créations avec Thou et Braveyoung sont les meilleurs exemples), The Body se montre trop timoré dans ses envies d’habillage soigné. La dichotomie entre terreur sous-jacente – les cris de Chip King – et beauté vénéneuse fonctionne lors des premières rencontres ; elle finit par devenir trop mécanique, suggérant plus que montrant lors des titres « To Walk a Higher Path », « Holy Lance » ou « Eternal Hours ».
Un principe « Set-up / Pay-off » qui ne satisfait que sur la fin,
Orchards of a Futile Heaven développant tout son potentiel sur les deux derniers titres, « Coils of Kaa » et « Back to the Water ». Totalisant plus d’un tiers de la durée de l’ensemble, ils sont le climax que les autres morceaux préparent… mais aussi là où les choses se passent enfin, la frustration laissée par ce qui les précède ne disparaissant pas quand vient l’heure du verdict.
Orchards of a Futile Heaven est donc bien un exercice de style qui, s’il est formellement réussi, ne convainc pas tout à fait. Les qualités d’autres œuvres de The Body – cette capacité à louvoyer, les esquisses devenant tableaux de troubles psychiatriques – sont ici utilisées de façon trop convenue, voire prévisible, pour être pleinement prenantes. Il y a le sentiment de connaître déjà où le disque va nous mener, sans avoir la sensation d’un couperet qui donnerait du poids à cette ambiance de nuit et de feu. Une collaboration qui tient à ce qu’elle promet sans toutefois le réaliser à chaque fois (citons tout de même « Distant, Shame », dernier membre du trio véritablement marquant avec le doublet final). Les fanatiques ne m’auront pas attendu pour se faire un avis sur cette sortie ; les autres feraient mieux, tout en lui laissant sa chance, de se jeter sur les dernières monstruosités en date de Sightless Pit (
Lockstep Bloodwar) et The Body (
The Crying Out of Things), toutes deux chroniquées sur ce site.
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