Herakleion - Necroverse

Contrairement à ce que pourrait laisser supposer ce patronyme aux évocations helléniques et mythologiques plutôt évidentes, ce n’est pas en Grèce que nous allons nous diriger aujourd’hui mais plutôt du côté de la Nouvelle Orléans. C’est effectivement dans cette ville de Louisiane qu’Herakleion a vu le jour en 2021 sous l’impulsion de trois garçons âgés alors d’une toute petite vingtaine d’années (parmi eux un certain Apollo Xydias qui ne doit pas être étranger au choix de ce patronyme). Une jeunesse et une fraîcheur qui pourraient laisser croire que le trio manque encore aujourd’hui un petit peu d’expérience alors qu’il n'en est rien puisqu’à bien des niveaux celui-ci a de quoi impressionner.

Après un premier EP intitulé Curse Of Eternity sorti en février 2022, Herakleion a sorti en septembre dernier un second EP baptisé Necroverse. Une sortie opérée en catimini puisqu’il s’agit en effet d’une autoproduction proposée néanmoins sous tous les formats habituels (cassette, CD et vinyle). Un EP composé de cinq nouveaux morceaux pour une durée de vingt-et-une minutes auquel ont tout de même participé messieurs Pete DeBoer (producteur finalement assez peu cité alors qu’on lui doit tout de même quelques enregistrements de choix pour des groupes comme Blood Incantation, Spectral Voice, Stormkeep, Wayfarer, Faceless Burial...), Noah Cutter Meihoff (illustrateur ayant collaboré avec des artistes tels que Ghost, Imperial Triumphant, Aseitas, Voimaton...) et même Daniel Shaw (ex-Blaspherian, ex-Cemetarian, ex-War Master) qui signe ici ce chouette logo. Bref, on sent que les trois garçons derrière cette jeune formation ont mis toutes les chances de leur côté (probablement grâce à quelques dollars économisés pour l’occasion) dans l’espoir de se faire remarquer. Pari réussi puisque si mes journées étaient plus longues j’aurai peut-être pu faire figurer Necroverse dans la liste des bonnes surprises dans le bilan de l’année passée...

C’est une évidence mais s’entourer de gens compétents aide énormément. Aussi l’une des premières sources de réjouissances à l’écoute de cette seconde offrande est assurément cette production signée Pete DeBoer qui respire et où chaque instrument trouve sa place sans jamais empiéter sur les autres. Si les guitares et le chant se taillent évidemment la part du lion, la batterie naturelle et dénuée d’artifices inutiles et cette basse particulièrement expressive finissent de rendre l’ensemble extrêmement sexy pour qui aime les choses bien bordées. Une production à la fois propre et parfaitement lisible au service d’un Death / Thrash aux atours techniques et progressifs pour le moins évidents.
Comme le dit l’adage : "Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années", aussi Apollo Xydias, Christian Woerner et Speed Wilson font preuve tous les trois d’un niveau technique particulièrement engageant au regard de leur jeune âge et de leur manque relatif d’expérience. Necroverse se distingue ainsi par un riffing ciselé qui sans en mettre plein les yeux (pas de vitesses affolantes, de descentes de manches hallucinantes ni même de solos dans tous les sens) laisse néanmoins paraître une certaine complexité dans ses constructions plus ou moins alambiquées et ses rythmiques chaloupées. Un riffing qui n’est pas sans rappeler celui de formations telles que Death (période Human) et Morbid Angel (période Domination) ce qui est plutôt bon signe vous en conviendrez. Un petit peu plus en retrait, la basse de Christian Woerner n’est clairement pas en reste offrant sans pudeur aux oreilles attentives ses rondeurs les plus délicieuses. Et si derrière ses fûts le jeune Speed Wilson semble peut-être un petit peu plus effacé, ses nombreux changements de patterns et sa volatilité d’un point de vue dynamique en font pourtant une ressource de choix qui n’a clairement pas à rougir face à l’excellence de ses collègues.

Plutôt concis dans son exécution, Herakleion s’épanouit à travers des compositions ni trop courtes ni trop longues mais de durées relativement standard (quatre minutes en moyenne) globalement axées sur des tempos modérés en dépit de quelques coups de chaud jamais très soutenus mais néanmoins toujours bienvenus ("What Is, Was, And Will Forever Be" à 1:11, "Where Crows Dare Not Go" 0:56, "Into... Necroverse" à 2:14 et surtout 2:52). Le reste du temps, beaucoup de tricot avec tous ces riffs qui louvoient, se tortillent, accélèrent brièvement puis ralentissent, cette batterie qui semble à l’économie mais qui pourtant apporte beaucoup de dynamisme aux compositions d’Herakleion (en plus d’une pointe de groove ici et là) et bien évidemment cette basse métallique aux rondeurs affriolantes. Ajoutez là-dessus un growl arraché qui n’est pas sans faire écho à celui de Chuck Schuldiner ou à celui de Martin Van Drunen et vous obtenez un très chouette EP qui mérite mieux que d’être ignoré par une horde de chevelus et autres tondus (de gré ou par la force des choses) adeptes de ce genre de Death / Thrash technico-progressif.

Deuxième EP extrêmement bien ficelé né de l’esprit de jeunes musiciens talentueux qui assurément maitrisent leurs instruments sur le bout des doigts, Necroverse s’impose sans grandes difficultés (peut-être un petit temps d’immersion nécessaire car ces quelques compositions ne sont pas nécessairement des plus immédiates) comme une sortie de choix en attendant que le trio se montre un petit peu plus ambitieux avec la parution, on l’espère assez rapidement, d’un premier album au moins aussi bien composé, exécuté et produit. Bref, n’hésitez pas à y jeter une oreille attentive si tout ce qui s’est dit plus haut résonne chez vous, vous ne devriez pas avoir à le regretter.

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