A l'ère de l'intelligence artificielle (et le disque qui nous intéresse est l'exact opposé de ces deux termes), des robots chirurgiens, des types qu'on envoie dans l'espace avec des formules mathématiques à rallonge, je trouverais presque
beau le fait que des gens déploient une somme de talent folle pour composer, produire, enregistrer et sortir la musique la plus stupide et inaudible possible - pour le commun des mortels, j'entends. Le Grindcore, nouveau bastion de l'absurde ? Peut-être. En tout cas, ce dernier album de
Meth Leppard ne risque pas de réconcilier les frileux avec le genre.
"Blast-beats à 270 bpm - Grindcore old-school - Peut causer douleurs à la nuque et pertes d'audition."
Le programme est clair pour ce deuxième long-jeu de
Meth Leppard.
"Gatekeepers", arrivant cinq ans après un
"Woke" qui aura traumatisé plus d'une oreille sensible. Gardien du temple, argousin d'un Grindcore sans fioritures ni temps-morts, le duo Kieren/Ryan couronne dix ans de carrière au service de la destruction musicale de la plus belle des manières, avec un album quasiment parfait en guise de diadème. C'est confirmé, les
Warsore,
The Kill,
Blood Düster et autres
Internal Rot devront maintenant partager leur trône. Je n'en avais en tout cas jamais douté.
Si j'ai toujours eu beaucoup d'affection pour le Grindcore complètement mongolien du combo d'Oz, je dois avouer que je ne m'attendais pas à une telle déferlante, d'autant que
"Gatekeepers" ne devait sortir qu'en Juillet - format LP coproduit par Psychocontrol (changez de boutique en ligne, les gars, pitié) et Here and Now Records que j'attendais, la bave aux lèvres. Et puis, surprise, le 11 Mai dernier, débarquent ces dix titres, ce minuscule quart-d'heure, dont l'on vit avec délectation chaque seconde comme un steak de daron administré sèchement derrière la nuque. "HPV Lovecraft", "Oligarchy Bukkake", "Deeds of Fleshlight" (avouez que celle-ci, franchement, elle est sublime)... La poésie à fleur de peau, rejoignant les ballades "KKKaren", "Dead Inside but Still Horny" et autres "Dead Kardashians". Ne comptez pas sur des paroles, cependant, elles sont plus inintelligibles que jamais, Ryan terminant, sur cette galette, sa régression à l'état d'australopithèque.
Quelle dérouillée, mes aïeux. Fidèle à sa ligne de conduite,
Meth Leppard débobine des kilomètres de riffs ultimes sur un tapis de blast-beats proprement inhumains -
triggers ou
post-prod, peu importe, Kieren reste un batteur fascinant de régularité et de constance (ces tapis de double auréolant la
mosh part de "Oligarchy Bukkake" !) Dopé par une production plus massive que jamais,
"Gatekeepers" se paie même le luxe de faire varier son propos. On appréciait
Meth Leppard dans son
roleplay de Marvin Heemeyer ? Le duo ré-invoque ces petites touches apocalyptiques délicieuses, variant le propos, qui faisaient déjà les plus belles heures du final de "Trust Fund" sur leur split avec
Axis of Despair : la guitare traînante à 0:57 sur "Pay to Play", l'écho du brouillard de guerre dans les riffs terminant le premier morceau, l'éponyme... Le combo aurait pu se contenter de nous rouler dessus, mais non, il se plaît à faire une marche arrière sur notre petit corps meurtri, juste histoire d'être sûr.
Difficile d'en dire plus, et pas nécessaire non plus, d'ailleurs :
"Gatekeepers" s'impose déjà comme une sortie Grindcore incontournable de 2025. Absurde de violence et de bêtise, bovin comme jaja, concis, brutal et con comme un manche,
Meth Leppard donne une bonne leçon à ceux qui voudraient complexifier une formule qui n'en a pas franchement besoin : deux types, une guitare, une batterie, et l'envie d'en découdre suffisent amplement. Alors oui, un quart d’heure, c’est court. Mais c’est aussi le temps qu’il faut à Meth Leppard pour te faire regretter d’avoir des tympans. Indispensable.
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22/05/2025 11:08