Le long de sa carrière, Urfaust aura été énormément de choses : clochard, mystique, alcoolique, sataniste, psychédélique, excellent, en demi-teinte, furieux, séduisant, triste, ironique… et théâtral.
C’est bizarrement ce dernier mot que je choisirai pour décrire la musique de VRDRBR et IX au-dessus de tous les autres. Que ce soit dans ses racines black metal ou ses expérimentations futures, Urfaust aura toujours eu un certain sens de la représentation avec une distance qui touche au dandysme, fait voir à chaque fois derrière les performances et l’humour grinçant une certaine tristesse.
The Constellatory Practice est peut-être l’album où cela est le plus apparent. Sans être un chef d’œuvre comme
Der freiwillige Bettler ou
Teufelsgeist – mes œuvres préférées du projet, l’EP
Apparitions venant compléter le podium –, il est un album auquel je pense – et que j’écoute – souvent. Bien sûr, il y a « Trail of the Conscience of the Dead », cette merveille epic doom que tout le monde ne peut que citer au sujet de ce disque. Un des meilleurs titres de la formation, altier, héroïque à sa manière, où les mélodies se succèdent dans une épreuve de force soulevant les cœurs à qui les porteront le plus haut… et un théâtralisme de chaque instant, culminant ici mais guidant l’ensemble de ces cinquante-trois minutes.
L’impression d’entendre une musique qui personnifie le Donald Sutherland du
Casanova de Federico Fellini, ce séducteur qui joue chaque sentiment et geste sans les ressentir pleinement, se trouve pris dans une prison de fausseté qu’il s’est lui-même créé.
The Constellatory Practice n’est cependant pas hautain ; il cherche à magnifier sans toutefois toucher pleinement cette beauté qu’il appelle. L’écroulement se fait par intermittence, révélant l’horreur dans laquelle il baigne sous ses airs empruntés, le drone misérable de « False Sensorial Impressions », le psychédélisme d’apparat de « A Course in Cosmic Meditation » qui se montre aussi jovial et coloré que les plus statiques compositions de Sink. La tragi-comédie tourne à la mauvaise blague, le satanisme qui vénère la force devient un appel sans réponse à la grâce, caricature bouffonne de mélopées célestes… qui ne créent jamais avec justesse l’émoi chez qui l’écoute.
On peut bien penser que j’élabore outre-mesure au sujet d’un album dont on pourrait dire qu’il est inconstant, entre splendeur (« Trail of the Conscience of the Dead » ; « Doctrine of Spirit Obsession ») et décadence (le final longuet « Eradication Through Hypnotic Suggestions »). Mais Urfaust est un groupe où il est bon d’élaborer, de délirer et voir dans ses expérimentations des portes ouvertes où chercher plus loin. Cela ne fait pas de
The Constellatory Practice un bijou mais il y a dans cet échec joué avec dérision une certaine vision du doom metal qui me fait apprécier la petite heure en sa compagnie.
L’album possède tout de même des qualités indiscutables, ce qu’il faut de réussite pour mieux apprécier quand il chute. Sa production est parfaite pour le style sans équivalent direct de Urfaust, vieille, ample, granuleuse et suffisamment nette. La voix de IX est également marquante, possédée et sincère derrière cette grandiloquence dépeinte pour elle-même (« Behind the Veil of the Trance Sleep »). « Échec » n’est certainement pas à entendre dans un sens qualitatif ;
The Constellatory Practice mime la gloire sans l’atteindre, une beauté qui paraît trop sale pour être honnête, une douleur surjouée mais non moins ressentie où le mystique revient sur Terre un sourire en coin, amusé par ses propres recherches dont il constate l’absence de révélation finale. La défaite spirituelle comme atmosphère.
Il est communément acquis que
The Constellatory Practice est l’album où Urfaust quitte le black metal pour embrasser le doom, après lui avoir plus d’une fois tourné autour. Permettez-moi d’ajouter qu’il est, seul, l’album le plus italien des Néerlandais.
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