Bodysnatch - Insights Of A Rotten Theatre

Surveillez vos morts, les profanateurs de sépultures nous rendent de nouveau visite. Quoique l'invasion datant de l'année dernière, tout danger doit être écarté désormais. Thrashocore toujours à la bourre? Pas faux mais ce premier full-length de Bodysnatch ne devait de toute façon pas être une priorité pour beaucoup. Profitant d'une pile de promos qui commence enfin à s'amenuiser, je décide tout de même de revenir sur cette sortie Pathologically Explicit Recordings ornée d'une nouvelle œuvre bien putride de Jon Zig. L'EP Universe Of Gory Tales m'avait bien plus après tout.

Toujours considéré comme un projet studio, Bodysnatch a cependant recruté deux nouveaux membres entre-temps. Dani Hasler vient ainsi épauler Livio Wellinger au chant tandis qu'un vrai batteur remplace la BAR de Universe Of Gory Tales. Et pas n'importe lequel puisqu'il s'agit de Fredrik Widigs (Soils Of Fate, Demonical, Repulsive Dissection, Witchery pour le live...). Si le line-up a été remanié, l'évolution musicale, elle, reste minime. On retrouve donc avec plaisir (ou pas) l'amour que portent les Suisses pour le death metal à la new-yorkaise des années 1990 comme le jouaient des groupes tels Internal Bleeding, Dehumanized, Immortal Suffering, Skinless, Entorturement, Repudilation et consorts. C'est à dire un death metal gras et groovy aux influences hardcore. Une sorte de proto-slam que Bodysnatch a modernisé. LA grosse influence reste toutefois Internal Bleeding, le groupe allant même jusqu'à reprendre un des riffs de la bande à Pervelis sur le début et la fin de "Phobic Disfigurement". À noter que le combo a demandé l'autorisation des Américains, tout le monde n'a pas cette délicatesse. Quoiqu'il en soit, n'attendez pas d'excès de vitesse sur ce Insights Of A Rotten Theatre. S'il y a bien des accélérations et même quelques passages blastés ("Spectral Repudiation" à 1'26, "Inception Of Malicious Pregnancy" à 3'10, "Clinical Torturement" à 3'17) et semi-blastés ("Slaves Of Despondency" à 0'45, "Resurrected Pugnacity Resists All Logic" à 3'53, "Phobic Disfigurement" à 2'06, "Bleeding Within Mass Schizophrenia" à 2'21), ça ne vole pas très haut et ça reste rare, les Helvètes se basant principalement sur du mid-tempo appuyé huileux et groovy. Mais pas du groove qui fait remuer des hanches, c'est pas du zouk. Plutôt du groove urbain de tough guy qui donne envie de mosher et de tout casser. La formation se montre parfois un peu trop moderne et saccadée pour moi mais sinon on retrouve le même parfum simple et catchy qui faisait le charme de l'EP. Conscient que sa formule reste basique et peu variée toutefois, Bodysnatch a eu, tout comme sur Universe Of Gory Tales, la bonne idée de placer dans ses compositions quelques breaks plus posés et mélodiques comme sur "Slaves Of Despondency" à 2'04, "Spectral Repudiation" à 4'28, "Inception Of Malicious Pregnancy" à 2'35 et 5'29, "Shotgun Therapy" à 3'28 ou "Clinical Torturement" à 3'42 et 4'12 voire plus "techniques" ("Resurrected Pugnacity Resists All Logic" à 1'03) qui changent un peu de la routine vite lassante. La vraie surprise viendra à 1'58 sur "Insights Of A Rotten Theatre", séquence carrément jazzie bien foutue!

Cela suffit-il à sauver l'opus de la monotonie? Non, loin de là. Car si les morceaux pris individuellement sont tous sympathiques pour quiconque aime ce genre de death metal, l'ensemble pâtit d'une longueur excessive qui approche l'heure! Et une heure d'une musique quasi exclusivement basée sur la rythmique, aux structures ultra prévisibles et aux riffs génériques qui sonnent à peu près tous pareil, moi je n'y arrive pas. Voilà ce qui sépare Insights Of A Rotten Theatre de Universe Of Gory Tales, un EP qui avait ses défauts mais qui savait rester efficace sur à peine 20 minutes. Pourquoi Diable le groupe s'évertue-t-il à composer des titres à rallonge de 5-6 minutes alors qu'ils en disent assez en 3? C'est un mystère! Le disque a d'autres soucis, notamment une production faiblarde qui manque de gras et de puissance pour ce type de musique, une vitesse de jeu trop modérée ou encore des vocaux ultra gutturaux parfois proches du ridicule, mais ne vous y trompez pas, c'est surtout la durée exagérée des morceaux qui plombe un album sinon plutôt correct. Ce Insights Of A Rotten Theatre n'est en effet pas dénué d'intérêt pour les amateurs du genre qui apprécient les influences citées ou des sorties plus récentes comme Hatred For All ou Flesh Throne. L'écoute parcellaire semble juste obligatoire. Bodysnatch retranscrit bien l'esprit de cette scène et maîtrise son sujet mais devra à l'avenir raccourcir ses compositions tout en les diversifiant par l'ajout d'accélérations et le développement des parties plus mélodiques intéressantes mais pas assez nombreuses. Là, les Suisses tiendront vraiment quelque chose de bon et de plus personnel. En attendant, ce sera un "peut mieux faire" de rigueur.

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