Blut Aus Nord - Memoria Vetusta III Chronique
Blut Aus Nord Memoria Vetusta III (Saturnian Poetry)
D'aucun auraient pu être tentés de penser que Vindsval n'avait plus grand chose à dire, surtout après le constat pour ma part plutôt amère de ses deux dernières sorties (un E.P anniversaire médiocre et un « Triunity » correct mais sans gros coup de cœur). Mais voilà, la saga « Memoria Vetusta » est une vieille amie qu'on aime à saluer de nouveau si l'on croise sa route. Elle est également celle qui a comme inoxydable force de mettre tout le monde d'accord. Qu'il s'agisse des fans d'élucubrations musicales expérimentales comme des amateurs de Black Metal aiguisé et franc du collier, tous se retrouvent à saluer cette suite d'album abordant en cette année son troisième volet. Nombreux sont donc ceux qui guettent du coin de l’œil cette ode aux vingt-deux printemps de Verlaine et plus largement au patrimoine mélancolique de cette montagne référence du Black Français qu'est Blut Aus Nord. Ce qui est désormais le centième album de l'excellent label Debemur Morti s'octroie pour affirmer directement son retour aux sources une pochette de Monsieur Necrolord, éminent graphiste bien connu grâce à ses réalisations pour Emperor, Dark Funeral, Bathory, Dissection et j'en passe. Des teintes brunes, comme si l'on contemplait un paysage gravé là où nous regardions seulement, sur les deux chapitres précédents, la réalité.
On imagine sans peine les considérations et interrogations qu'à du prendre en compte l'homme. La tâche destinée à ce « Saturnian Poetry » était bien dense : succéder au fabuleux « Memoria Vetusta II : Dialogue With The Stars » (et accessoirement symbole ultime de la fusion réussie du paganisme et du Black Metal, pour ma part), innover et émouvoir. Chaque opus de la série a apporté un renouveau à son prédécesseur. Le deuxième volet précisait par exemple la technique, les harmonies et apportait la dimension rythmique déstructurée propre à l'identité sonore du groupe. Il fallait donc se surpasser et c'est ainsi que l'on visualise sans problème Vindsval dans une polysynodie individuelle, voire dans une déconcentration de son art. Il s'adjoint donc, pour répondre à ce besoin de nouveauté, les services d'un batteur de talent (Thorns selon la rumeur) capable d'allier la saveur organique des fûts et une technique suffisamment pointue pour s'adapter aux exigences d'un Vindsval toujours désireux de ne pas servir de simples Blasts sur ses albums. On notera aussi le jeu de textures des guitares qui est tout simplement poussé à son paroxysme comme rarement Blut Aus Nord aura su le faire. Toutes les pistes s'emboîtent entre elle avec un enchevêtrement harmonique d'une finesse rarement atteinte.
« Memoria Vetusta III – Saturnian Poetry » se veut axé dans une dualité de thématiques plutôt poussées dans leur signification. D'un côté ce rattachement presque tribal aux racines païennes, ces dernières étant exposées aux travers des titres, des parties de chant aériennes et de leurs chœurs et du visuel. Un temps ancien, rêvé comme tel auquel on adjoindra bien sûr le temps ancien du genre inhérent à ce disque : le Black Metal, bien évidemment, avec ce chant hurlé si traditionnel aux pontes du genre. Dans cette conjugaison passée, Vindsval ajoute alors une troisième dimension, celle d'un fantasme d'espace et de désir céleste, exprimé par les titres (« Metaphor Of The Moon ») et bien sûr par la musique avec ces injections de guitares réverbérées presque Post-Rock (« Païen »). Encore une fois, on peut aller plus loin en imaginant une complémentarité entre l'espace au sens spirituel et intellectuel, l'espace au sens cosmique du terme et l'espace – celle des grands espaces – symbolisant une liberté pouvant sembler aujourd'hui en voie de disparition. Le collectif sans visage conserve aussi un autre aspect qui sied parfaitement au triptyque polysémique que je viens d'évoquer, celui des interludes à la guitare clean ou au clavier permettant d'apaiser le climat général et d'ouvrir de grandes brèches où l'aspiration d'une bouffée d'air pur est plus que palpable.
Ce sequel aux mémoires vétustes est plus qu'un disque passéiste, il est presque une mise en abîme du Black Metal au travers du paganisme. Une vision adaptée au monde moderne, servant presque de passerelle temporelle entre l'innovation et le respect d'un patrimoine oublié à assimiler. Il serait malvenu bien sûr, nonobstant cet enchaînement un peu scolaire sur les thématiques – sur lesquelles on peut facilement extrapoler, vous vous en serez rendu compte –, d'oublier la puissance des émotions contenues ici. Il ne faut pas plus d'une dizaine de secondes pour que l'album ne nous accueille chaleureusement avec cette introduction au clavier sobrement nommée « Prelude » et exécutée de la même façon qu'elle est intitulée. Poser le climat d'un disque semble ne jamais avoir été aussi simple pour la troupe. L'expérience sûrement mais aussi la force des convictions présentes dans les compositions qui viennent nous cueillir dès les premières notes de chaque titre. Quelque soit le propos et même s'il est abrupt (comme sur ce « Tellus Matter » frontal comme le veut son titre si évocateur, mais pourtant profondément intense), l'autorité, dirais-je même la quasi-personne de droit moral qu'est Blut Aus Nord utilise son statut pour nous prendre la main et nous emmener sans que nous rechignions. On reçoit ces nouveaux titres comme on recevrait une tape sur l'épaule d'un ami intime qui nous connaîtrait aussi bien que nous-même dans nos convictions les plus profondes. Que dire aussi de la beauté finale d'un « Clarissima Mundi Lumina » aux allures d'orchestrations électriques prodigieusement éthérées dans leur(s) luminosité(s) ? On regarde ce « Memoria Vetusta III » comme on poserait ses sens sur un mégalithe millénaire de conception mystérieuse, voire extra-terrestre. Une provenance si particulière qu'elle ne pourrait être daté, la faute à cette batterie si rétro et à ces guitares si tournoyantes dans leur mélodies qu'on croirait que c'est uniquement le vent qui siffle des notes.
« Memoria Vetusta III – Saturnian Poetry » est si dense dans ses variations et dans ses arrangements qu'il arbore fièrement les couleurs de mère nature avec qui il semble pouvoir se fondre. Des méandres dessinés avec tant de soin qu'on les croirait animés : c'est un peu dans ce paradoxe que nous amène aujourd'hui Vindsval. On a une nouvelle fois ici la possibilité d'un voyage vers des terres préservées. Une éventualité dont il est si simple de se servir que n'importe qui aurait franchement tort de s'en priver. DONNEZ VOTRE AVIS Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer. 16 COMMENTAIRE(S) citer | Ander 25/03/2020 15:36 | note: 8/10 | Je visais du neuf sur une distro' si possible Française, pas un truc d'occaz' Russe... Mais bon j'ai trouvé mon bonheur, plus qu'à espérer que ça arrive pas dans un semestre, avec ce virus qui paralyse tout... | citer | Ander a écrit : Si quelqu'un a une adresse pour le chopper à moindre frais je lui en serai grandement reconnaissant…
Bah on le trouve encore à bon prix sans trop de mal il me semble ;-)
https://www.discogs.com/fr/Blut-Aus-Nord-Memoria-Vetusta-Saturnian-Poetry/release/6162537 | citer | Ander 24/03/2020 09:39 | note: 8/10 | Si quelqu'un a une adresse pour le chopper à moindre frais je lui en serai grandement reconnaissant… | citer | Lautre a écrit : Clarissima Mundi Lumina x ∞
OUI | citer | anto09 22/02/2015 09:19 | note: 8.5/10 | Très long à appréhender mais ensuite .... c'est beau ! | citer | Lautre 13/02/2015 20:54 | note: 8.5/10 | Clarissima Mundi Lumina x ∞ | citer | Moonshield 06/11/2014 18:44 | | J'ai enfin réussi à le dompter, il est excellent.
Et dire que j'ai d'abord cru que c'était ennuyeux et sans intéret...!
Content d'avoir approfondi les écoutes pour, à terme, avoir réussi à assimilé les mélodies et les magnifiques chœurs.
Et cette pochette y'a pas de mots, comme d'hab avec Necrolord. | citer | Me gêne et m'ennuie pas mal ce naturalisme allemand.
Dans cette veine épique chez eux, je préfère encore le II où la procession ne sort pas du bois, ou bien Ultima Thulée, plus boréen. | citer | lkea 06/10/2014 20:35 | note: 8.5/10 | von_yaourt a écrit : Ikea a écrit : Non. Car.
Mon avis se fonde sur des constats tellement imparables que tu n'as rien à rétorquer.
Mais il est normal que tu le préfères au précédent, ta piètre sensibilité musicale ne te permet pas d'apprécier le bel ouvrage quand on te le met sous le nez.
D'un côté, il est vrai que. Mais de l'autre. Donc, tu as tort. | citer | Ikea a écrit : Non. Car.
Mon avis se fonde sur des constats tellement imparables que tu n'as rien à rétorquer.
Mais il est normal que tu le préfères au précédent, ta piètre sensibilité musicale ne te permet pas d'apprécier le bel ouvrage quand on te le met sous le nez. | citer | lkea 06/10/2014 19:10 | note: 8.5/10 | von_yaourt a écrit : Un bon album, tellement dans la lignée de Memoria Vetusta II qu'il en reprend les progressions, les intervalles et même carrément certains passages à peine modifiés.
Mais une déception parce qu'il est loin d'être aussi travaillé, il est moins mélodique, moins lumineux, les arrangements sont plus pauvres, bref il troque l'onirisme pour un peu de brutalité, où BAN n'a jamais brillé. Un gros cran en dessous du précédent, il n'a pratiquement rien de mémorable, et le dernier titre est même tout plat.
C'est une petite déception, parce que c'est la même chose en moins bien. Dommage.
Non. Car. | citer | Un bon album, tellement dans la lignée de Memoria Vetusta II qu'il en reprend les progressions, les intervalles et même carrément certains passages à peine modifiés.
Mais une déception parce qu'il est loin d'être aussi travaillé, il est moins mélodique, moins lumineux, les arrangements sont plus pauvres, bref il troque l'onirisme pour un peu de brutalité, où BAN n'a jamais brillé. Un gros cran en dessous du précédent, il n'a pratiquement rien de mémorable, et le dernier titre est même tout plat.
C'est une petite déception, parce que c'est la même chose en moins bien. Dommage. | citer | lkea 01/10/2014 17:06 | note: 8.5/10 | Album de la gloire pour BaN, lumineux, beau, entre tradition bien respectée et modernité qui, l'air de rien, fait quelques tapes amicales au post-black. J'aime bien les précédents volets mais alors, celui-ci me parle vraiment ! | citer | Je ne trouve pas ça si différent du deux, peut-être sur les chœurs qui sont un poil plus présents. Mais sinon, j'avoue ne pas avoir été surpris par ce point. C'est plutôt le côté plus complexe et moins "évident" que sur le II qui m'a frappé.
Merci | citer | AxGxB 01/10/2014 17:04 | note: 8/10 | Je dois bien reconnaitre que je ne m'attendais pas à ça en découvrant ce troisième volet. Je reconnais la qualité du travail notamment mélodique et de texture qui est assez saisissant mais ce côté Folk/Paien et ce chant que j'etend pour ma part un peu de travers à encore du mal à passer. Je n'en suis qu'à deux écoutes pour le moment. Je ne serais pas sans retenter l'aventure mais pour l'instant je ne sais pas trop quoi en penser...
Chouette chronique en tout cas | citer | https://soundcloud.com/debemurmorti/blut-aus-nord-paien
Le p'tit lien de "Païen" qui va bien. | AJOUTER UN COMMENTAIRE | Black Metal Atmosphérique / Pagan Spirit 2014 - Debemur Morti Productions notesChroniqueur : | 8.5/10 | Lecteurs : | (19) 8.16/10 | Webzines : | (21) 8.42/10 |
plus d'infos sur | Blut Aus Nord Psychedelic Lovecraftian Black / Death Metal - 1994 - France | | |
tracklist01. | Prelude | 02. | Paien | 03. | Tellus Mater | 04. | Forhist | 05. | Henosis | 06. | Metaphor of the Moon | 07. | Clarissima Mundi Lumina | Durée : 48.10 min. |
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16 COMMENTAIRE(S)
25/03/2020 15:36
25/03/2020 09:46
Bah on le trouve encore à bon prix sans trop de mal il me semble ;-)
https://www.discogs.com/fr/Blut-Aus-Nord-Memoria-Vetusta-Saturnian-Poetry/release/6162537
24/03/2020 09:39
01/10/2019 10:15
OUI
22/02/2015 09:19
13/02/2015 20:54
06/11/2014 18:44
Et dire que j'ai d'abord cru que c'était ennuyeux et sans intéret...!
Content d'avoir approfondi les écoutes pour, à terme, avoir réussi à assimilé les mélodies et les magnifiques chœurs.
Et cette pochette y'a pas de mots, comme d'hab avec Necrolord.
21/10/2014 00:56
Dans cette veine épique chez eux, je préfère encore le II où la procession ne sort pas du bois, ou bien Ultima Thulée, plus boréen.
06/10/2014 20:35
Mon avis se fonde sur des constats tellement imparables que tu n'as rien à rétorquer.
Mais il est normal que tu le préfères au précédent, ta piètre sensibilité musicale ne te permet pas d'apprécier le bel ouvrage quand on te le met sous le nez.
D'un côté, il est vrai que. Mais de l'autre. Donc, tu as tort.
06/10/2014 19:49
Mon avis se fonde sur des constats tellement imparables que tu n'as rien à rétorquer.
Mais il est normal que tu le préfères au précédent, ta piètre sensibilité musicale ne te permet pas d'apprécier le bel ouvrage quand on te le met sous le nez.
06/10/2014 19:10
Mais une déception parce qu'il est loin d'être aussi travaillé, il est moins mélodique, moins lumineux, les arrangements sont plus pauvres, bref il troque l'onirisme pour un peu de brutalité, où BAN n'a jamais brillé. Un gros cran en dessous du précédent, il n'a pratiquement rien de mémorable, et le dernier titre est même tout plat.
C'est une petite déception, parce que c'est la même chose en moins bien. Dommage.
Non. Car.
06/10/2014 16:14
Mais une déception parce qu'il est loin d'être aussi travaillé, il est moins mélodique, moins lumineux, les arrangements sont plus pauvres, bref il troque l'onirisme pour un peu de brutalité, où BAN n'a jamais brillé. Un gros cran en dessous du précédent, il n'a pratiquement rien de mémorable, et le dernier titre est même tout plat.
C'est une petite déception, parce que c'est la même chose en moins bien. Dommage.
01/10/2014 17:06
01/10/2014 17:06
Merci
01/10/2014 17:04
Chouette chronique en tout cas
01/10/2014 16:50
Le p'tit lien de "Païen" qui va bien.