Miscarriage - Imminent Horror
Chronique
Miscarriage Imminent Horror
Plus j'écoute... Enfin, plus je m'inflige cet "Imminent Horror", et plus je pense que le groupe entier est le résultat d'une dispute de cour de récréation à qui sera le plus extrême. Dans un coin, on avait le petit Sludge, décidant d'un coup d'un seul de ralentir le tempo de tous les instruments, rajouter du fuzz ras-la-gueule et parler de crasse, de sexe et de drogue. "Abandonne tout de suite, mon vieux, tu vois bien que tu ne pourras pas rivaliser." De l'autre côté, le jeune Goregrind, qui hésitait encore entre la débilité la plus absolue, saupoudrée de photos immondes et de pornographie cheapos, ou l'ambiance obscure et boueuse des noms les plus respectés du milieu, ne comptait pas se laisser faire. "Regarde mes pochettes, mec, écoute un peu mes chanteurs dégueuler sur leur micro : tu ne peux pas lutter." Attiré par le bruit, Miscarriage est arrivé au milieu de ce dialogue de sourd. Un petit teigneux, celui-ci, du genre sournois. Un peu pour se faire plaisir, et beaucoup pour faire chier ses deux camarades, il s'est planté au milieu avant de balancer : "Les gars, vous y êtes pas. Je vous prends tous les deux sans pression." Le temps de le mettre en boîte, "Imminent Horror" est ainsi né.
Parce que le concept même du groupe, et de cet album, est invraisemblable. Pas ridicule, invraisemblable. Le parti pris semble avoir été de prendre ce qui rendait extrême les sous-genres les plus gratinés, de doper l'ensemble, et de pousser les amplis au maximum. Dans cet album, tout n'est qu'excès. La pochette ? Un bel hommage aux premiers Carcass, collage chamarré de fœtus malformés, cadavre et pourriture mêlés qui renverraient presque se rhabiller les Pissgrave. Les titres ? Longs, très longs, douloureux, puisque le disque entier dure une heure pour sept titres. Et musicalement ? Ha ben là, c'est le bouquet final. C'est lent, ça traîne son gros bide plein de vers sur le sol, et comme si l'ensemble n'était pas déjà suffisamment pénible, un duo de voix proprement dégueulasses vient vomir des bribes de phrases incompréhensibles par dessus. Les grattes jouent lentement, laissent sonner leurs notes obèses portées à bout de bras par la grosse caisse qui occupe tout l'espace des basses. C'était déjà difficile d'y comprendre quelque chose, et la production aussi massive qu'étouffante ne t'aidera pas à reprendre ton souffle entre deux vagues. Nom de Dieu, c'est éprouvant.
Et pourtant, tu te surprends à y revenir, ou du moins, à essayer. Alors que c'était parti pour être complètement nul, et que ça le sera d'ailleurs pour une bonne partie des gens qui daigneront poser une oreille sur ce machin. Mais tu vas écouter cet "Imminent Horror" comme tu savoures, avec un plaisir non dissimulé, le fameux "Putrefaction in Progress" de Last Days of Humanity. Le degré zéro de la recherche musicale, seule compte l'envie d'être plus extrême que ses petits copains. Miscarriage est le pendant Doom de Last Days of Humanity, ni plus, ni moins. Lent à en devenir abruti, il peine à lever ses grolles dans ce marécage d'adipocire. Et c'est justement là qu'est le problème de ce disque : c'est long. Beaucoup trop long. "Putrefaction in Progress" est délicieusement ignoble parce qu'il expédie 41 titres en 25 minutes : tu commences à peine à comprendre ce qu'il t'arrive que le disque se termine. Chez Miscarriage, tu prends conscience du calvaire linéaire qui t'attend dès le premier titre, à peine relevé par quelques samples, et l'évidence s'impose : personne n'est capable de supporter un tel bordel pendant une heure. Je suis d'ailleurs à peu près certain que le groupe me répondrait, avec un sourire narquois, que "c'est fait pour, donc probablement pas fait pour toi".
Dommage, "Imminent Horror" aurait été amputé d'une demie-heure (rien que ça !), il rejoignait directement mon panthéon personnel (et très restreint) des disques de "Goregrind à atmosphère", aux côtés de SCD, Lymphatic Phlegm ou des regrettés Gored. En l'état, il fera office de simple défouloir pour qui voudrait se faire maltraiter les oreilles par un groupe voulant se faire plus veau que le reste du troupeau. Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit : Miscarriage est très, très intéressant dans son parti pris, et je le respecte infiniment - surtout quand ça me rappelle tant de formations Gore de qualité. Mais je mets au défi quiconque de tenir l'écoute de cet "Imminent Horror" d'une seule traite.L'excès jusqu'au bout, j'imagine...
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citer | Ce serait bien qu'ils s'avisent de le sortir en cd, lui - puisqu'ils (Sentient Ruin Lab) réfléchissent actuellement à faire un premier pas dans ce format infâme, à ce qu'il semble... |
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1 COMMENTAIRE(S)
16/06/2020 11:39