Oranssi Pazuzu - Kevät / Värimyrsky

Ou comment, en deux titres, Oranssi Pazuzu ouvre le rideau de la réalité pour nous y étouffer. On aurait eu tort de penser que les Finlandais se seraient assagis en s’humanisant après Värähtelijä. Les formes vaguement reconnaissables qu’ils y peignaient alors sont prises dans le gouffre que créent ces seize minutes, débutant par des guitares esseulées et fatalistes annonçant les tourbillons destructeurs à venir.

Un black metal psychédélique toujours aussi inédit, personnel, où les équivalences sont difficiles à trouver. Enslaved et ses rêveries de promeneur solitaire, Darkspace et ses photographies, voilà des choses bien communes et douces, face à la terreur austère, la religion du vide entre les étoiles, que dessine Oranssi Pazuzu ! Il se fait l’apôtre que paraît être la statue illustrant son œuvre, bibliothécaire rendu fou par l’espace, mettant des notes sur la couleur tombée du ciel. Une ambiance d’homme personnifiant la menace de la voûte nocturne, ricanante de notre petitesse, que j’avais ressentie avec force lors d’un de leur concert en France, et que Kevät / Värimyrsky transmet parfaitement par un psychédélisme corrosif et aliéné, une batterie abrutissante de répétitions, une voix proférant d’une langue inconnue, des riffs s’étiolant jusqu’à ressentir un malaise vertigineux.

Cela, toujours avec ce naturel confondant, cette absence de paradoxe formel, qui montre que les Finlandais ont atteint, de leur manière propre, une certaine perfection dans la synthèse entre black metal et rock psychédélique. Evidemment trop court, Kevät / Värimyrsky est à voir, à la fois dans ses atmosphères et dans la discographie du projet, comme annonciateur d’horreurs à venir, l’immatériel marquant de plus en plus sa présence, ses nuisances se manifestant en une attaque préparant le coup fatal. Nous, asphyxiés, minuscules, languissant de le voir arriver.

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