L’une des particularités les plus remarquables de
Backspacer est d’être encore aujourd’hui (et probablement pour toujours) l’album le plus court de la discographie de Pearl Jam. Sorti le 20 septembre 2009, celui qui célébrait il y a quelques jours encore son onzième anniversaire, pointe en effet largement sous la barre des quarante minutes (trente six pour être exact). Un détail qui n’aura pas échappé à tous les amateurs de la formation de Seattle qui jusque-là nous avait habitué à des albums dépassant pour la plupart (à la seule exception de
Vs.) les cinquante minutes. Toutefois, au-delà de ces chiffres sans grande importance, il faut bien voir que ce neuvième album est surtout le disque le plus immédiat jamais composé par Pearl Jam. Un album épuré, tourné sur l’essentiel et à l’atmosphère résolument plus positive (comme le soulignait très justement Eddie Vedder à l’époque de la sortie de l’album, l’élection de Barak Obama après deux mandats passés sous l’administration de Georges W. Bush n’y fût sûrement pas étranger).
L’autre bonne surprise de ce
Backspacer, c’est le retour de Brendan O’Brien dans le rôle de producteur en chef. Si celui-ci a toujours collaboré de près (on lui doit les productions de
Vs.,
Vitalogy,
No Code et
Yield) ou de loin (il fût en charge du mixage de
Binaural et
Riot Act) avec les Américains, il n’avait plus produit un seul album de Pearl Jam depuis l’enregistrement de
Yield en 1997. Un retour aux affaires signé d’une production toujours aussi impeccable, moins abrasive et dépouillée que celles de
Vitalogy ou
No Code, mais possédant néanmoins ce qu’il faut de caractère et de personnalité pour permettre à ces nouvelles compositions de briller une fois de plus comme il se doit dans un contexte finalement de moins en moins porté sur la musique Rock.
Enregistré à Los Angeles au début de l’année 2009,
Backspacer est le premier album depuis
Vs. à ne pas avoir été couché sur bande dans un studio de Seattle. C’est également le premier album pour lequel Pearl Jam a pris le temps de composer et répéter chaque morceau avant d’entrer en studio plutôt que d’arriver comme il l’a fait bien souvent les mains dans les poches, avec seulement quelques idées plus ou moins finalisées dans sa besace. Voilà qui explique alors peut-être pourquoi ce neuvième album semble faire preuve d’une plus grande homogénéité que son prédécesseur quelque peu plombé par des morceaux de moins bonne facture (notamment parmi les titres les plus calmes proposés par le groupe) et une sévère baisse de régime à mi-parcours...
Mais si le groupe a effectivement pris le temps de soigner ses compositions en amont, celles-ci ne sont pas plus élaborées, plus complexes ou plus originales pour autant. D’une manière générale, malgré la qualité d’écriture toujours aussi évidente et le soin apporté à la finalisation de certains arrangements, c’est même plutôt l’inverse tant, encore une fois, les morceaux de
Backspacer se concentrent effectivement sur l’essentiel. Un minimalisme musical parfaitement étudié afin de ne viser que deux choses : l’efficacité et l’immédiateté. Pour y parvenir, le groupe de Seattle va miser en priorité sur des morceaux dynamiques, marqués par des rythmiques simples mais ultra entrainantes (le très Rock "Gonna See My Friend", "Got Some", l’excellent "The Fixer" au refrain particulièrement addictif ou encore les biens nommés "Johnny Guitar" et "Supersonic") ainsi que quelques mises en relief qui ont le sait pertinemment n’auront jamais le charme de ces titres d’antan (de l’eau à naturellement passé sous les ponts depuis "Elderly Woman Behind The Counter In A Small Town" et à l’époque de
Backspacer Pearl Jam est déjà depuis belle lurette un groupe beaucoup plus mature et très prompt à nous balancer des balades un peu plus "faciles" et grand-public) mais qui à l’inverse de ceux proposés sur
Pearl Jam ne donnent pas le sentiment d’avoir été composés à la va-vite ni de manquer de présence, de profondeur ou d’émotions ("Just Breathe" en forme de mise en bouche sympathique mais peut-être un peu trop facile à mon goût, le très bon "Amongst The Waves" avec son refrain chargé en émotion et surtout l’un des seuls véritables solos de l’album, "Speed Of Sound" ou "The End" qui clôture l’album sur une touche acoustique bienvenue à grand renfort de violons). Finalement, le seul véritable petit défaut que l’on pourrait trouver à ce neuvième album c’est justement l’absence de solo qui aurait très certainement conféré un esprit Rock’n’Roll encore plus saisissant. Malheureusement le père McCready est quasiment aux abonnés absents sur ce disque (à l’exception de son excellente contribution sur le titre "Amongst The Waves") et c’est bien dommage car le bonhomme à toujours eu le chic pour sublimer les titres de Pearl Jam avec ses solos toujours extrêmement inspirés. Tant pis pour nous…
Sans être d’une grande originalité,
Backspacer est pourtant un album plein de surprises. De sa durée extrêmement réduite pour un album de Pearl Jam à cette immédiateté qui en découle en passant par le retour de Brendan O’Brien à la production où cet artwork fait de vignettes cartoonesques signées Dan Perkins aka Tom Tomorrow (This Modern World), ce neuvième album ne ressemble à aucun autre disque de Pearl Jam. Pourtant, comme d’habitude (enfin à l’exception de
Gigaton qui en a quand même chamboulé plus d’un) on s’y sent comme à la maison, en compagnie d’un groupe qui à l’approche de ses vingt ans de carrière continue ici son petit bonhomme de chemin en gardant en tête une idée simple, celle de se faire plaisir sans se soucier de ce que peuvent bien penser les autres. Alors effectivement,
Backspacer ne sera probablement jamais considéré comme un incontournable de la musique Rock, pour autant il reste un disque particulièrement solide que ce soit au regard de la discographie bien fourni de Pearl Jam (surtout après un album éponyme moins évident) ou bien d’une manière plus générale grâce à cette capacité à condenser en l’espace d’une grosse demi-heure ces titres à l’énergie débordante et ces moments de calme sous forme de balades bien souvent gorgées d’émotions.
2 COMMENTAIRE(S)
03/05/2023 16:59
Merci
02/05/2023 14:13
J'ai découvert la voie d' Eddie en 2007 grâce à la BO du film "Into The Wild" et j'ai ensuite creusé la discographie du groupe.
The End me file des frissons à chaque fois malgré sa fin abrupte.
Bonne chronique, très juste.