Intense.
C’est sans doute le mot, certes utilisé au point d’être un cliché, qui va le mieux à Orchid malgré les années. Honnêtement, quel autre terme employer à propos de la regrettée formation du Massachussetts, s’il faut en choisir un parmi le champ lexical de l’émotion brute ? Orchid est intense, et cette compilation de ses deux premières œuvres au format long (...qui n’est qu’une dénomination faute de mieux, tant la brièveté fait partie de la force de son style) en est bien la meilleure des preuves.
Mais peut-être ne connaissez-vous pas Orchid. Peut-être même vous êtes vous pris la tête dans les mains, dépité, en lisant le libellé « Emoviolence / Screamo » sur votre site préféré en ce qui concerne férocité et brutalité (tiens, et si on avait là notre slogan ?). Dans ce cas, écoutez les extraits collés à cette chronique. Nous vous laissons le temps de revenir les cheveux ébouriffés et le visage rouge, exténué.
C’est fait ? Bien. Vous venez de connaître Orchid, ce groupe actif durant quatre petites années mais qui, en ce minuscule laps de temps, à retourner tout un pan des musiques punk et extrême. Grindcore avec des sentiments (hé, ils ont même fait un split avec Pig Destroyer !) ? Powerviolence émotif ? Ou alors vrai black metal pour coreux, punk, enfiévré, poétique ? Rien de tout cela : de l’emoviolence qui jamais ne démérite, ni en ce qui concerne l’émotion, ni en ce qui concerne la violence. Simple. Intense.
Car c’est bien cela qui étonne encore aujourd’hui, malgré les formations s’étant inspirées d’elle, quitte à aller plus loin, parfois intelligemment, souvent avec fadeur : cette extraordinaire simplicité avec laquelle la bande conjugue ce son abrasif, ce jusqu’au-boutisme dans l’agressivité, titres courts, rage constante, avec une sentimentalité n’arrêtant jamais de couler, véritable hémophilie des sensations. Je n’imagine même pas ce que cette débauche devait donner en concert, tant Orchid est parvenu à trouver une recette magique, aussi brute, directe, que profonde dans ce qu’elle transmet !
Heureusement, cette compilation donne largement de quoi s’en faire une idée. Tout d’abord par l’objet, manifeste de l’esthétique qui court le long de cette scène underground, artistique et politique avec ces livrets aux dessins crayonnés et créatifs, comme des flyers collés sur des poteaux. Auparavant sortis séparément et uniquement en vinyle, les deux disques ainsi réunis trouvent dans l’édition CD de Ebullition Records de quoi montrer leur complémentarité, l’écoute se faisant aisément de l’un à l’autre. Une mise en commun fluide, les quelques ajouts noise de
Chaos Is Me relançant parfaitement la machine après le gros quart d’heure raw de
Dance Tonight! Revolution Tomorrow!, donnant à imaginer son concert à soi tant l’ensemble profite d’un son typique, grésillant et décapant.
Une compilation qui s’aborde comme un tout donc, où le mot « Pamphlet » s’invite dans le lexique parcourant nos pensées sur Orchid. Car, bien que le reste de sa discographie soit aussi à écouter (la formation n’a jamais démérité lors de sa courte vie), c’est ici que l’on retrouve les morceaux de la bande les plus marquants, où l’exécution tempétueuse devient l’expression d’une certaine poésie des sensations les plus âpres, des larmes les plus colériques, des explosions d’humeurs noires.
Il y aurait sans doute d’autres choses à explorer ici, à commencer par ces paroles surréalistes, philosophiques et politiques qui deviendront également un cahier des charges de la scène, et sur comment Orchid reste l’un des moins naïfs, l’un des plus esthétiques sur ces sujets-là. Raison pour laquelle on ne tombera pas dans ce texte dans la mauvaise poésie contestataire ou sentimentale, plutôt dans l’expression d’une admiration devant ce qui reste l’essence-même d’un genre et de sa force particulière – ainsi que de ses faiblesses, tant cela touche, et seulement touche, une grandiloquence qui n’est jamais frontalement exprimée. Dire les choses modestement, un peu comme lui, mais certainement pas avec le même talent.
Artworks des versions d'origine
3 COMMENTAIRE(S)
20/10/2020 07:04
C'est fait !
19/10/2020 09:29
17/10/2020 10:35