Sxuperion - Omniscient Pulse
Chronique
Sxuperion Omniscient Pulse
La vision de cette pochette mystérieuse, aussi minimaliste qu'ensorcelante, m'a poussé vers l'écoute de cet album. Comme toute matière irrémédiablement attirée à l'approche d'un trou noir. Cette planète perdue dans l'immensité de l'espace, légèrement éclairée par sa lointaine étoile. Ce logo à la couleur et aux contours agressifs, trônant au-dessus du couple astral tel le vaisseau mère d'une race extraterrestre supérieure venue conquérir et asservir. Incroyable comme si peu de choses peuvent hypnotiser et évoquer les pires horreurs cosmiques. Une puissance impériale et menaçante s'en dégage. Rien que ce ressenti me fait penser à Deiquisitor. Un bon signe.
Cette illustration représente en tout cas parfaitement la musique de Sxuperion. Entité que je découvre avec la sortie de ce Omniscient Pulse, pourtant le cinquième album de ce projet formé en 1998. Il s'agit en fait d'un one-man band, le bébé de Matthew Schott, également batteur du groupe de black metal Valdur. L'Américain s'occupe ici de tout. Guitare, basse, batterie et chant, de l'enregistrement dans son bunker perdu dans les montagnes californiennes jusqu'à la publication sur son propre label Bloody Mountain Records. Il a juste délégué le mastering et la promotion. J'avoue avoir beaucoup de respect pour les aventures en solitaire, tout le travail que cela représente. Seulement, dans les one-man bands, il y a un peu tout et n'importe quoi ...
Heureusement, on est en présence ici de quelque chose de qualité. D'un univers presque unique, en tout cas personnel, malgré le caractère plutôt classique de la base sur laquelle s'appuie Sxuperion. Du death metal opaque, ténébreux et caverneux, aux atours blackened, plongé dans l'obscurité et la froideur du vide spatial. Une sorte de death metal atmosphérique, même si ce qualificatif peut tromper. Du deep-space death metal plutôt ou plus commnuément du sci-fi death metal voire du cosmic death metal, toutefois bien plus noir et bestial qu'un Mithras. Incantation, Lvcifyre, Dead Congregation, Demoncy et Grave Miasma aux confins de la galaxie, en gros. Sxuperion va en fait manier et mélanger deux aspects. Le principal, ce sont des riffs ultra dark monotones qui bourdonnent, des tremolos aux mélodies plus ou moins discernables, répétés en boucle pour donner un effet hypnotisant. Souvent sur des rythmiques rapides avec notamment pas mal de blast-beats même si on croisera quelques mid-tempos ("Myopian Frequency Release"). Le chant très en avant dans le mix, un growl assez profond qui grogne sans véritable rythmique vocale et parsemé de shrieks black metal malsains, rajoute une couche de brutalité et de bestialité. Là-dessus, le montagnard va venir réguilèrement apposer une lead mélodique très simple, quelques notes jouées lentement qui vont venir contraster avec le rythme brutal en y apportant un côté plus aérien. Ni des solos cosmiques majestueux plein de couleurs comme peuvent le proposer Mithras ou Beyond Mortal Dreams ni chaotico-mélodiques genre Cthulhu sous acides à la Morbid Angel (bien que l'on trouvera quelques brefs solos un peu dans ce style), juste une ou deux notes toujours menaçantes mais une menace plus insidieuse. Avec là aussi des qualités magnétiques prenantes.
Vous l'avez compris, le death metal de Sxuperion joue beaucoup sur l'ambiance. Une atmosphère immersive qui se veut obscure, angoissante et oppressante. L'Homme face au vide intersidéral. Afin d'accentuer cette impression et de s'engouffrer encore davantage vers les frontières de l'univers connu, on retrouvera de nombreux samples que je suppose tirés de films puisqu'ils mettent en scène des humains qui parlent, ainsi que des bruitages "ambient". Preuve de l'intérêt du multi-instrumentiste pour ce type de son, l'album -EON- sorti en 2015 propose entièrement de l'ambient, basé sur la nouvelle de science-fiction du même nom de Greg Bear (la trilogie "Cosmic Corridors" tire aussi ses thématiques du SF). Si les samples s'avèrent souvent utilisés pour combler les vides chez la plupart des groupes, ils ont une réelle utilité pour Sxuperion. Élément primordial chez le one-man band également, qui va permettre la meilleure immersion possible, la production. Matthew Schott insiste sur l'aspect uniquement acoustique de la batterie, enregistrée sans aucun trigg ou click. Quel plaisir d'entendre cela même si le mix aurait pu lui être plus avantageux afin d'obtenir encore plus d'impact sur les blasts. Le plus important reste cependant la grosse réverbération dans laquelle baignent les instruments ainsi que les vocaux et les samples. Juste parfait pour instaurer l'ambiance désirée, cette sensation de se retrouver perdu dans l'infini sans plus aucun repère. On croisera également pas mal de fade-in et de fade-out contribuant à cette idée de mouvement dans l'espace.
Ne vous laissez donc pas influencer par "Betrothed Catacombs", le titre mis en ligne en avant-première, très appréciable au demeurant, qui sonne toutefois comme du dark death habituel. Le death metal de Sxuperion est un peu plus que ça et possède sa propre patte, sa propre personnalité, son propre univers. Néanmoins, on note bien que Omniscient Pulse se révèle effectivement l'œuvre la plus accessible de la discographie du Californien que j'ai pu écouter avec attention et intérêt par la suite. C'est aussi son moins bon album car le moins inspiré, le moins frontal et le moins "musical" dans le sens où le côté sample/ambient prend parfois un peu trop le pas sur la notion de vrais morceaux. L'interlude "A New Universe Awaits (Burning the Cloth)" s'avère même un peu ennuyeuse, tout comme la fin longuette du dernier titre "Myopian Frequency Release". Sans doute la raison pour laquelle mes morceaux favoris du disque, outre "Betrothed Catacombs", sont "Planet Crusher - Defeating the Holy Emperor", seulement introduit par des bruitages brefs de bataille spatiale, qui en impose de par son riff et sa rythmique conquérante (ça pose les couilles !), ainsi que, malgré son dernier tiers non metal, le morceau-titre "Omniscient Pulse", court et brutal, qui ressemble plus à ce que pouvait faire Sxuperion sur sa trilogie d'EP foutrement brutale et primitive du début des années 2010. Ce que je préfère du one-man band avec l'album Cosmic Void.
Il n'en reste pas moins que Sxuperion reste une bien belle découverte. Et ça, je ne l'oublierai pas, je le dois à ce Omniscient Pulse qui, s'il s'avère finalement l'album que j'aime le moins tout en restant de qualité, m'a permis de plonger dans la discographie pleine de tueries intergalactiques de l'Américain. Le blackened dark death metal de Sxuperion manie brillamment sauvagerie à grands coups de blast-beats, de grognements autoritaires et de riffs méchants, et atmosphère spatiale grâce à des leads, des samples de films et des effets sonores, notamment cette réverbération qui fait froid dans le dos, immergeant ainsi l'auditeur dans son univers terrifiant et pourtant si envoûtant. C'est qu'il y a quelque chose de beau qui s'en dégage. Une beauté puissante et menaçante à l'attrait certain. Omniscient Pulse, par son côté plus facile à rentrer dedans que d'autres sorties plus anciennes, s'impose alors comme une excellente porte d'entrée dans le monde mystérieux et trouble de Sxuperion.
| Keyser 16 Novembre 2020 - 854 lectures |
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3 COMMENTAIRE(S)
citer | "Deep-space Death Metal", j'aurais pas mieux dit. Malgré le nom et les pochettes à chier, il y a quelque chose chez ce gus d'assez fascinant. Sxuperion tartine, mais avec ce petit supplément abyssal qui fait toute la différence. |
citer | C'est tout simplement énorme ce groupe. Merci pour la découverte! |
citer | Belle kro, content de voir cet album ici ! Je partage ton point de vue dessus et sur les autres disques. |
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3 COMMENTAIRE(S)
17/11/2020 13:24
17/11/2020 11:52
16/11/2020 18:49