Suite de l’interview qui voit cette fois Paul aborder notamment le volet sociétal de son œuvre, la partie live, les inspirations vidéoludiques ainsi que les aspects visuels et technologiques liés à son groupe.
21/ Pour redescendre sur Terre, doit-on voir à travers le culte de l'Ætheria un parallèle avec une partie de notre société actuelle qui fait fi des connaissances établies et de la science au profit de croyances « douteuses » ?
Oui, complètement. C’est triste à dire mais notre monde actuel est notre principale source d’inspiration, pas besoin de voyager loin dans notre imaginaire. C'est ironique mais parfois, on se dit entre nous que plus le temps passe, plus nous avons l’impression d’avoir atterri dans un épisode de la série « South Park » qui ne se termine jamais !
22/ Dans les histoires que vous nous racontez, les Hommes ont dû abandonner leur planète car elle était devenue invivable, de leur fait. Quelle est votre vue sur la situation écologique de la Terre ?
On ne peut que constater les dégâts causés par l’espèce la plus invasive jamais créée sur Terre finalement, l’Homme. Quoi qu’on puisse faire pour contrer le phénomène et malgré nos maigres efforts, on a l’impression de ne pas pouvoir lutter face à d’autres personnes qui arrivent à consommer l'équivalent de notre bilan carbone annuel en quelques heures seulement… Il y a tout un système sociétal à revoir pour contrer cela, mais beaucoup ne veulent pas l’entendre. Alors on essaye, chacun à son échelle, de faire au mieux pour avoir le moins d’incidence sur notre environnement… Est-ce que notre planète s’en remettra ? Oui sûrement. Est-ce que l’espèce humaine s’en remettra ? Il est fort probable que non.
23/ Lors des élections législatives de l’été dernier, vous aviez relayé sur votre Instagram un appel du Front des musiques indépendantes pour empêcher des idées d’extrémistes de se retrouver au pouvoir. Outre l’évident volet environnemental, ÆTHĚRĬA CONSCĬENTĬA est-il un projet politique ?
Pour nous l’art est politique par essence, le but premier de ce projet reste purement musical mais dans le sous-texte des albums il y a évidemment nos idées politiques et notre vision du monde qui ressort. Quand il y a des choses qui nous tiennent à cœur, nous concernent nous ou nos proches, nous n’hésitons pas à faire passer un message selon nos convictions personnelles. Nous rejetons toute forme d'oppression envers quelconque minorité sous motif ethnique, religieux, de genre, etc., nous luttons pour les droits des animaux et essayons d’avoir un impact écologique le plus minime possible dans nos vies personnelles.
D’autre part, l’univers d’
ÆTHĚRĬA CONSCĬENTĬA comporte beaucoup d'éléments que nous pouvons transposer à notre société actuelle, à son déclin, à l’état dans lequel notre planète se trouve suite à nos agissements. Comme tu le dis, il y a un volet environnemental mais aussi un volet sociétal.
24/ Est-ce que le renégat et ses adeptes des « Absurd Crusade » pourraient être les membres de ÆTHĚRĬA CONSCĬENTĬA menant leur propre combat sociétal ?
Pour moi les protagonistes d’« Absurd Crusade » sont à la recherche de réponses différentes à leurs questions que celles qu’on leur inculque de force dans la société Hydhradhienne au sein de ses nombreux cultes. Au cours de leur quête ils découvrent une part de la vérité, c'est-à-dire que la divinité qu'ils vénèrent se trouve au centre d’Hydradh. Cependant aveuglés par leur Hubris ils réduisent en esclavage les Kholoss, ce qui se rapproche le plus d’une manifestation physique de la volonté de l’Ætheria, qui était en sommeil depuis des siècles. En se présentant devant l’Ætheria comme s’ils étaient des élus en droit de recevoir des réponses, ils l’ont sorti.e de son sommeil, et en prenant conscience du sort infligé aux Kholoss, elle a décidé de les punir.
Je ne suis pas sûr qu’on s'identifie à ces personnages, je les vois plutôt comme une illustration de l’espèce humaine qui, bien que partant d’une bonne intention, en remettant en question ses croyances, finit toujours par répéter les mêmes erreurs.
25/ Revenons à la musique et en particulier à vos prestations live. Avant Covid, vous aviez l’habitude de les nommer « rituels ». Essayez-vous d’une façon ou d’une autre de plonger l’auditoire dans une ambiance « galaxie d’Astramovia » ?
Oui c’est un peu le but. Avec les lumières, les éléments tribaux ou l'énergie que nous essayons de dégager, tout ça fait partie de l’ambiance que nous souhaitons instaurer en
live.
Idem, nous ne parlons pas durant nos concerts, mis à part à la fin du
set pour naturellement remercier le public, car ça pourrait faire sortir un peu les auditeurs de leur écoute, ce ne serait pas très cohérent.
26/ Vous avez joué en mai dernier au Ferrailleur à Nantes après plus de 4 ans sans concert. C’était l’occasion de tester le line up sous sa nouvelle forme (Valentin à la batterie et toi au chant principal). Comment cela s’est-il passé ? Est-ce Guru Pope au saxophone comme sur l’album ?
Nous avons passé un très bon concert et si on en croit les retours du public, ils ont vraiment apprécié ce qu’ils ont vu. Il y avait un peu d’appréhension après tout ce temps, devant une salle comble. Pour certains membres du groupe, l’expérience de la scène était toujours présente grâce à leurs projets annexes mais pour les autres ça remontait effectivement à 2019… Nous avions beaucoup travaillé pour ce retour, pas seulement pour ce concert mais aussi pour ceux à venir, notamment notre première tournée qui approche. Ça nous a fait du bien et pour ceux qui nous ont vus avant le Covid-19, ce qu’ils verront n’a plus grand chose à voir avec ce qu’on proposait à l’époque...
Concernant le saxophone, c’est bien le même Guru qui jouera avec nous mais pour des raisons logistiques et/ou de planning, cela ne concerne que certains concerts, du moins à l’heure actuelle. Nous avons joué 3 fois depuis notre retour, à chaque fois sans lui, mais certains concerts à venir seront en sa présence et cela apportera une autre dimension encore à notre prestation. Nous sommes ravis et impatients de nous produire avec lui.
27/ Vous avez annoncé la tournée européenne « Disgrâce Astrale » pour janvier/février/mars 2025. Vous serez accompagnés de MOURIR (Black Metal, Toulouse) pour ce tour, et je crois aussi de LOTH (Black Atmo, Metz ) pour la date parisienne du samedi 8 février au Cirque Électrique. À quoi s’attendre ? La setlist comprendra-t-elle des titres de « Corrupted Pillars of Vanity » que vous n’avez jamais pu défendre sur scène pour cause de pandémie ?
Pour cette tournée, nous ne jouerons que des titres de « The Blossoming », car c’est l’album dont nous sommes le plus satisfaits et qui correspond le mieux à l’esprit actuel du groupe. Nous ne sommes pas fermés à l’idée de jouer à l’avenir des titres du 2ème album, surtout qu'avec le COVID-19 et les changements de
line up nous n’avons jamais pu les jouer en
live depuis sa sortie. Mais pour cela nous voudrions les réarranger, donc ça demande un petit peu de travail. D’autre part, nous travaillons également sur de futurs morceaux donc, nous verrons tout ça après la tournée.
28/ De nombreux webzines Prog vous ont chroniqués. Envisageriez-vous une tournée avec des groupes Rock/Metal progressif pour toucher votre public autre que celui du Metal Extrême ?
Honnêtement nous sommes assez ouverts là-dessus. Tant que le groupe en question nous plaît musicalement et humainement, ce sera un plaisir car notre musique est très variée et pourrait coller avec énormément de styles différents.
29/ On a évoqué WHITE WARD tout à l’heure. On pourrait ajouter BLOOD INCANTATION et SEAR BLISS qui gravitent dans le même type d’univers qu’ÆTHĚRĬA CONSCĬENTĬA. Le premier pour les aspects Prog & spatiaux, le second pour son Black Metal atmosphérique enrichi d’un instrument à vent (la trompette). Ils ont tous les deux publié un nouvel effort en 2024 ; si vous avez eu l’occasion de les écouter, comment les avez-vous trouvés ?
Pour être honnête nous n’avons pas encore écouté le
SEAR BLISS, par contre le
BLOOD INCANTATION, sacrée claque, on l’a tous adoré, ce mélange de Death Metal, de Prog et de Kraut spatial à la
TANGERINE DREAM, c’est vraiment super inventif et varié. On a aussi beaucoup fait tourner le dernier
ULCERATE dans le genre musique qui touche au divin. C’est tellement puissant, grandiloquent comme musique, ça nous a vraiment soufflés !
30/ Depuis un petit moment, vous rêvez d’adapter vos récits en bande dessinée ou en dessin animé. Un projet va-t-il prendre forme ? L'artiste finlandais Totuus Estivä a peint des œuvres inspirées de vos deux premiers albums ; pourrait-il être mis à contribution ?
A la sortie du 2ème album, nous avions commencé à réfléchir à des artistes pour illustrer notre univers par des bandes dessinées et des nouvelles. Encore une fois, problème de temps ou occasions manquées ont fait que ça n’a pas encore abouti, mais nous sommes très ouverts à l’idée.
Nous avons été assez touchés par les œuvres qu’avait pu faire Totuus Estivä. Même si cela reste assez différent de l’univers visuel que nous avons eu jusque-là, c’est quelque chose qui pourrait s’envisager si cela correspond au rendu souhaité pour nos futurs albums.
31/ Nous n’avons pas encore parlé de jeux vidéo qui pourtant participent également à votre imaginaire. Pour nos amis gamers dont tu fais partie, peux-tu nous dire ce que tu as pioché dans BioShock, Halo, The Elder Scrolls V: Skyrim et autres divertissements numériques ?
Bioshock est probablement ma série de jeux préférée, ça a forcément été une inspiration au niveau des modifications corporelles et de la dimension
body horror que l’on retrouve souvent dans notre univers, le Cordyceps de The Last Of Us nous a aussi inspirés pour Haesperadh, avec l’infection des Maphoros par des spores de plantes qui les tranforment en “hommes plantes”. Pour le prochain album on a déjà dégrossi l’histoire et parmi les inspirations il y a des concepts qui proviennent de Dishonored (incroyable série de jeux ça aussi). Les IA de vaisseaux qui se rebellent et qui exterminent tous les occupants, on peut aller chercher les inspirations du côté de System Shock. Halo je n’y ai jamais joué et Skyrim c’était plutôt le délire de Tristan et PA, moi j’étais super mauvais à ce jeu, ahahah.
Insight marrant, on a glissé des réfs à Ratchet & Clank dans l’histoire d’Ætheria, parce que c’est une série de jeux qu’on a tous adorée gamins, et qui se tient encore vraiment super bien aujourd’hui.
32/ Vous aviez ouvert pour DECLINE OF THE I il y a quelques années. Lorsque nous avons interviewé son mastermind AK en 2023, il nous expliquait comment il utilisait l’intelligence artificielle pour modifier du contenu vidéo à destination de ses sets. Quel est votre point de vue sur l’IA dans l’art et la musique en particulier ?
Les groupes qui te font des pochettes entières avec l’IA, c'est une honte, surtout quand ils ont du budget (coucou
PESTILENCE, coucou
DEICIDE). C'est moche, c'est cramé à 10 bornes et ce n’est absolument pas éthique. Si tu n’as pas d’argent, va sur Fiverr, embauche un type à l'autre bout du monde qui te fera un
artwork pour 50 balles. Ce n’est toujours pas ouf comme
move mais c'est déjà moins crade et au moins c'est fait par un artiste qui pourra remplir son frigo. Si t'es fier de ta musique, de ce que tu as produit, comment peux-tu refuser de mettre de la thune ou du moins de l'énergie dans l'
artwork qui sera l'identité visuelle de ton album pour toujours. La musique en IA, on ne va même pas en parler car je vais m'énerver.
Par contre, l'IA ce n’est pas complètement à jeter à la poubelle non plus quand tu t'en sers comme outil uniquement. Si tu t'en sers pour filer un
moodboard (NdlR : planche d'ambiance graphique ou planche d'inspiration qui sert à définir l'orientation visuelle d'un projet créatif) à un artiste derrière pourquoi pas, ou pour créer des textures, faire des collages avec, distordre le résultat pour en faire quelque chose d'autre… Créer des trucs à partir de bouts d'IA c'est un peu reprendre la main sur la machine, je trouve l'idée stylée.
33/ Un mot sur GRAVEKVLT qui a sorti son 2ème long-format « Full Moon Fever » fin 2024 sur ton label Frozen Records, et dont le guitariste RiffThrower se trouve être P.A. Cantat qui joue de la six-corde au sein d’ÆTHĚRĬA CONSCĬENTĬA ?
C’est particulier pour nous car hormis P.A. qui fait partie du groupe, les autres membres sont également tous des amis très proches que nous côtoyons chaque semaine. Donc forcément nous nous entraidons et partageons des liens très forts. Nous sommes fiers de leur musique et de ce qu’ils dégagent en
live.
34/ Que peut-on vous souhaiter pour le futur d’ÆTHĚRĬA CONSCĬENTĬA ? Peut-être une fresque musicale acoustique ?
Beaucoup de concerts, beaucoup de nouveaux morceaux avec des influences toujours aussi diverses, puis prendre toujours autant de plaisir avec ce groupe tout simplement. L’album acoustique fait toujours partie de nos envies, on y viendra sûrement un jour, mais tout ça demande du temps !
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