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CKRAFT

Interview

CKRAFT Entretien avec Charles Kieny (2025)
CKRAFT, de l’anglais « craft » (artisanat) et de l’allemand « kraft » (puissance), c’est à l’origine l’histoire de Charles à qui sa grand-mère avait mis un accordéon dans les mains lorsqu’il était enfant. Devenu métalleux à l’adolescence, Charles finit par découvrir le Jazz, ressort son accordéon et rejoint le Conservatoire de Metz puis de Paris. Ses études sont l’occasion de rencontrer William (batterie), Marc (basse), Antoine (guitare) et Théo (saxophone). Ils fondent leur ensemble musical instrumental en 2020 et créent un style très singulier. En effet, il s’agit d’une base de « Metal moderne » (MESHUGGAH/GOJIRA) à laquelle viennent s’ajouter un saxophone ténor Jazz ainsi que les sonorités surprenantes d’un accordéon « augmenté » (qui donnent une touche électronique, tout en s’inspirant de mélodies médiévales). Les avoir vus à deux reprises en concert (en ouverture de la tournée anniversaire Blackjazz de SHINING, puis pour la release party de leur nouvel album) nous a donné envie de questionner Charles, donc accordéoniste, mais aussi compositeur du quintet.


1/ Comment as-tu réussi à convaincre William, Marc, Antoine et Théo de te rejoindre pour ce projet fou ? Et surtout, comment fais-tu pour les garder avec toi car je vois que le line-up est stable ?

J’ai été très chanceux : je n’ai pas eu à argumenter beaucoup pour les convaincre ! Il faut dire que la période de pandémie de 2020 était propice à entamer de nouvelles choses, à « penser l’après » comme disaient les médias. Je leur ai juste envoyé des partitions et du son et ça leur a plu. Maintenant j’aimerais vraiment pouvoir passer 30 ans ensemble à faire et parfaire ce son, toujours dans cette approche artisanale, de faire la même chose pendant des décennies et de se bonifier. Les groupes dont on est fan ont pour la plupart un line-up stable, je crois que c’est un peu notre rêve à tous, donc ça tombe bien qu’on soit devenu très potes !

2/ Vous êtes une formation complètement instrumentale et tu dis que votre voix est le saxophone. Est-ce que vous avez déjà néanmoins pensé à vous faire accompagner d’un chanteur, ce serait-ce que sur un titre ? Que ce soit du type grégorien pour relever les mélodies d’inspiration médiévale (je verrais bien ça sur la première partie de « Nostre »), ou bien d’un style « hurlé » pour renforcer le côté Metal ?

Oui, j’aime beaucoup cette idée de laisser tout « l’espace vocal » à Théo : il a un son de saxophone ténor très élaboré, avec beaucoup de texture et de détail, et ça faisait des années que je voulais le mettre en lumière, avant même d’avoir l’idée de monter CKRAFT à vrai dire. Le déclic du « sax hurlant » s’est fait dès la première fois où j’ai entendu Théo jouer, à vrai dire !

L’idée m’a déjà effleuré d’intégrer de la voix humaine pour un featuring, et j’ai de belles pistes, dont un intérêt d’un artiste que j’admire énormément (pas de name dropping pour l’instant car ce n’est qu’au stade d’idée), et toutes les portes restent ouvertes pour des idées créatives futures.

Bien vu pour la première partie de « Nostre », c’est en fait une version du « Kyrie » de la « Messe de Notre Dame » de Guillaume de Machaut, polyphonie vocale absolument majeure de l’histoire de la musique !

3/ Comme l’indique le titre du 2ème album « Uncommon Grounds », les similitudes musicales entre vos influences principales ne sont pas nombreuses ; que souhaites-tu que vos auditeurs ressentent à l’écoute de votre son « composite » ?

Ah, ça c’est une question facile ! Je veux qu’ils ressentent simultanément la lourdeur du Metal, la folie du Jazz, et le mysticisme intemporel des mélodies médiévales.

4/ Marc (bassiste) joue à 6 cordes et Antoine (guitariste) à 7. Quel spectre cela ouvre-t-il ? Tu disais que cela vous dispense d’un second guitariste, est-ce toujours le cas ?

Ça ouvre considérablement le spectre en effet : à la fois dans le grave car le son très rugueux de Marc nous permet d’avoir des impacts très précis avec un jeu parfaitement parallèle avec celui la guitare, les mêmes notes sur les cordes à vides, etc. mais aussi dans l’aigu avec des solos de basse très perchés, tu peux entendre quelques exemples dans « Pageantrivia » et dans « Steadfast (In The Face Of Tribulations) ».

Il y a quelques aspects pour lesquels avoir un deuxième guitariste pourrait être positif, par exemple le fait d’en placer un à droite et un à gauche en live épaissirait le son pour les gros riffs joués tous ensemble. Un musicien additionnel pourrait aussi créer d’autres options d’ « accompagnement » lors des solos, mais au final je suis très heureux de rester ainsi en quintet car ça me pousse à arranger la musique de manière créative et à trouver d’autres modes de jeu inattendus. Par exemple, le solo de guitare de « The Loudest Victim » sur le premier album est accompagné par mes sons très distordus de synthé, ce qui donne l’épaisseur nécessaire à ce moment de la composition au même titre que si c’était de la guitare rythmique.

5/ J’ai lu et entendu des commentaires au sujet de l’accordéon « augmenté » (équipé de capteurs électroniques et branché sur un synthé) qui observaient qu’il pouvait sonner comme dans des jeux vidéo des années ’80/90. Es-tu conscient de cette perception « rétro » par certaines personnes ? As-tu déjà pensé à « moderniser » ce son ?

J’ignorais tout de cette perception mais ça ne m’étonne pas trop ! En effet j’ai déjà pensé à « moderniser » ce son, notamment avec des machines qui permettraient une approche plus axée soundscape / sound design (création d'ambiances et de sons, un peu comme dans les musiques de film ; différente de mon approche instrumentale habituelle dans laquelle l'objectif est de jouer des notes !), mais ici aussi ce n’est qu’une idée, pour l’instant je reste sur mon bon vieux Nord Lead A1R, que je trouve super ludique, compact et adapté au live, et qui, grâce à sa texture sonore un peu froide et brute justement, a l’avantage de se marier très bien au son plus doux de l’accordéon acoustique.

6/ Dans vos clips, sur vos photos promos et sur scène, vous êtes habillés sobrement, généralement avec un jean et un t-shirt uni noir (ou autre couleur généralement sombre). Est-ce fait intentionnellement pour contribuer à une identité visuelle recherchée ? Peux-tu nous la présenter ?

On s’est récemment mis à essayer d’harmoniser un peu plus la couleur (notamment sur nos dernières photos de presse) donc tu verras occasionnellement des touches de vert et de bleu, mais c’est vrai que globalement on reste beaucoup dans des tons sombres par défaut. Il n’y a pas de direction artistique particulière pour l’instant, on essaie de rester le plus simple possible, mais ça fait en effet partie de mes souhaits de proposer quelque chose de plus original sur scène dans le futur. La frontière entre « stylisme », « costume » et « déguisement » n’étant pas la même pour tout le monde dans l’équipe, ce sujet est un work in progress qui prendra encore quelques années à accoucher de quelque chose d’intéressant à mon avis !

7/ Au niveau de la partie graphique, votre logo a changé en 2022 pour évoluer vers des majuscules plus classiques avec un « k » minuscule stylisé. Quel sens faut-il voir derrière ce relooking ?

Figure-toi que tu es la premier à nous poser cette question ! Au début on utilisait juste une police d’écriture gratuite (j’avais demandé préalablement l’autorisation au créateur bien sûr) mais avec la sortie du premier album « Epic Discordant Vision » en 2022 et sa vocation commerciale (vente de CDs, vinyles, t-shirts), il nous fallait un logo qui nous appartienne. Notre illustrateur nous a proposé ce CKRAFT un peu bancal, avec ce “k” qui, dans les premières versions, ressemblait à un crucifix brisé. Par souci de lisibilité, on l’a un peu redressé et raccourci, mais l’idée est toujours là : on s’approprie, on « casse » et distord ces mélodies grégoriennes… qui sont à l’origine liturgiques !


8/ Cela nous amène à vos pochettes. Celle de votre single « Drowning Tree » représente un paysage inondé avec des personnes (on imagine) qui se noient. La toile « Massacre à Jérusalem, de l’Histoire de Titus et Vespasien » a été utilisée pour créer l’artwork de votre premier album « Epic Discordant Vision » mais au lieu d’avoir Titus arrivant au galop pour stopper le carnage, on y voit sur la droite un raz-de-marée. De la même façon, la grosse vague à gauche de la couverture de « Uncommon Grounds » ne figure pas dans l’original d’« Une scène du Déluge » de Joseph-Désiré Court que votre illustrateur Olivier Laude a repris. Et je ne parle pas de la 7ème piste du dernier album titrée « Swallowed By The Storm » (« Avalé par la tempête »). Que se cache-t-il derrière cette obsession de la submersion par les eaux ?

Les gros riffs de Metal m’ont toujours évoqué la puissance destructrice de la nature, donc, instinctivement, on est venu mettre des éléments en furie un peu partout ! L’eau a pris le dessus dans notre univers jusqu’à aujourd’hui (que ce soit une inondation, un tsunami, une tempête…) mais il y a aussi une ville en feu dans l’arrière-plan de la pochette d’ « Epic Discordant Vision » !

9/ Tu avais au début l’intention de mettre une cathédrale sur la pochette du premier album, le clip de « Pageantrivia » a été filmé dans la Chapelle des Trinitaires à Metz, plusieurs airs joués à l’accordéon reprennent des mélodies grégoriennes, on retrouve un peu de latin dans vos titres… Il semble que l’aspect sacré/mystique ait une importance cruciale pour CKRAFT. Est-ce indissociable du concept ?

Ce n’est pas indissociable car certains morceaux ne contiennent aucun élément mystique (je pense à « Drowning Tree » qui est plutôt inspiré des éléments en furie comme on en discutait à la question précédente, ou à « Bug Out! » qui m’a été inspiré par l’idée du survivalisme, et il y en a d’autres) mais le sacré et le mystique restent des sources d’inspirations majeures.

Les chants grégoriens par exemple, sont des mélodies, à l’origine liturgiques, qui ont traversé les siècles et sont à la base de la musique occidentale telle qu’on la connaît aujourd’hui. J’aime me l’approprier, mais aussi écrire mes propres mélodies, et dans le cadre de CKRAFT, elles s’inspirent beaucoup du minimalisme et de la solennité de ces chants sacrés.

L’univers visuel est ensuite adapté à la musique dans un deuxième temps, donc on risque encore de jouer devant quelques énormes vitraux d’églises si la chance nous sourit !

10/ Retour sur la musique et au Metal : peux-tu présenter à nos lecteurs la version que vous aviez réalisée de « Blacken The Cursed Sun » de LAMB OF GOD ? Qu’est-ce qui fait qu’on ne la retrouve sur aucun de vos albums ?

Tu es allé chercher dans les méandres d’internet !

Cet album de LAMB OF GOD (« Sacrament ») contient des riffs groovy et minimalistes mais absolument légendaires.

C’était la toute première fois qu’on se retrouvait dans la même pièce tous les cinq : je voulais qu’on pose vite les bases stylistiques du projet, donc on a commencé par travailler sur une cover de « Blacken The Cursed Sun » que j’avais préalablement arrangée, en y ajoutant un solo de sax bien entendu !

C’est encore sur YouTube mais il ne sera jamais question de la mettre sur un disque. On réserve ça à notre propre musique, et surtout par respect pour les artistes qu’on aime, on ne se verrait pas commercialiser des versions modifiées de leurs morceaux !

11/ Il avait aussi été question de reprendre « The Sentinel » de CAR BOMB mais je ne l’ai jamais entendue. Peut-on l’écouter quelque part ?

Tu es extrêmement bien renseigné !

Au même titre que « Blacken The Cursed Sun » de LAMB OF GOD, on a en effet travaillé « The Sentinel » de CAR BOMB, qui est un de mes groupes préférés et sur lequel je voulais qu’on passe du temps pour capter le groove et la violence inouïe de leurs riffs.

Pour l’instant on n’a pas enregistré ce morceau et j’ignore si on le fera un jour, mais en tout cas on continue notre travail sur les covers, ça nous fait bien bosser !

12/ D’autres reprises de prévues ? Aussi sur disque ou en concert ?

Oui ! Du MESHUGGAH !

Certainement pas sur disque comme expliqué précédemment, mais peut-être en rappel en concert ;)

13/ Quels commentaires avez-vous reçus à propos d’« Uncommon Grounds » sorti en début d’année ? Comment est-il accueilli jusqu’à présent ?

Super bon accueil jusqu’à aujourd’hui, avec notamment de la belle presse : Rock Hard et Citizen Jazz fidèles au poste (ils nous avaient déjà écrit de super chroniques pour le 1er album) et d’autres belles choses comme 4 pages dans Guitar Part, un prix du public aux Triomphes du Métal Français, 5 pages dans le magazine JazzNews, une magnifique chronique radio de Max Dozolme sur France Musique dans l’émission Musique matin et plusieurs passages dans l’émission Au coeur du Jazz, et des articles sur des blogs spécialisés.

Bref, on a été bien gâté dans la francophonie, à la fois par des médias classique, Metal et Jazz, ce qui est exactement mon objectif avec ce projet : il faut casser les barrières entre les styles et les publics, cette musique est pour tout le monde, elle ne s’adresse pas à une seule niche bien précise, et je crois que ces retours presse en sont la preuve !

À l’étranger aussi on commence à avoir d’excellents retours mais pour l’instant plutôt uniquement Rock Prog / Metal, avec en Allemagne des interviews / chroniques dans Eclipsed, Rock Hard Allemagne, Sonic Seducer, etc. et aux USA des Decibel Magazine, No Clean Singing, Everything Is Noise, Fecking Bahamas, Heavy Blog Is Heavy…

J’ai fait mon premier interview au Japon la semaine dernière et ça me réjouit énormément car je suis sûr que cette musique pourrait beaucoup plaire là-bas et le journaliste qui m’a interviewé avait véritablement compris et analysé CKRAFT sous tous les angles !

14/ Je lis que la version vinyle est déjà demandée par les fans. Il avait fallu un peu de temps pour que celle d’« Epic Discordant Vision » voie le jour. As-tu une date à partager pour un 33 tours d’« Uncommon Grounds » ?

Ce n’est pas encore planifié pour l’instant. On attend d’avoir écoulé notre stock de vinyles d’« Epic Discordant Vision » avant d’envisager de nouveaux tirages !

15/ Le clip de « Misconstruction Of The Universe », avec ses étranges protagonistes, est très énigmatique. Il semble mettre en opposition d’anciennes croyances (représentées par le « Purificateur », celui qui porte un masque de médecin de la peste, une ample cape noire et qui est équipé d’un encensoir) aux technologies plus modernes (figurées par le « Décontaminateur », le personnage en cuir au masque à gaz et armé d’un pulvérisateur). Ils s’affrontent avant de finir par disparaître tous les deux. Quelle symbolique faut-il y voir ?

Excellente analyse de notre clip, tu as tout dit : les croyances s’affrontent, croyances anciennes et mystiques/religieuses, ou modernes et scientifiques.
Au final, aucune ne survit, et ne subsiste que la nature, à peine marquée par une légère trace de leur passage !

16/ Le tournage s’est déroulé dans un ancien hangar à dirigeables en Normandie mais également au garage hélicoïdal de Grenoble (ça rend super bien). Comment ces lieux ont-ils été choisis et mis à votre disposition ?

En ce qui concerne le choix des lieux, la réalisatrice du clip (Juliette Ulrich) cherchait des lieux avec des atmosphères fortes, mais qu’on puisse tout de même connecter l’un à l’autre au montage.

Avec cette histoire d’affrontement des croyances, symbolisée par les deux personnages qui se poursuivent et s’affrontent, le garage hélicoïdal lui a paru être une sorte de « tour de Babel » dans laquelle les personnages pourraient évoluer jusqu’au sommet et passer une porte ensemble, convaincus d’avoir atteint la fin de leur course, la lumière, « Dieu », la « vérité » absolue, en somme !
Mais malheureusement pour eux, cette porte débouche sur un lieu sombre issu des deux guerres mondiales (le hangar à dirigeables d’Écausseville), avec son architecture flippante et les musiciens qui sont en train d’y jouer le gros riff de la fin du morceau pour un affrontement final qui ne fera aucun survivant.

En ce qui concerne la mise à disposition, c’est la prod Libelo Productions, avec qui on a bossé sur ce clip, qui s’en est chargée. Je tiens à profiter de cet interview pour les remercier une fois de plus, en particulier la boss, productrice et découvreuse de talents, Valentine Wurtz, qui tient ce projet (et bien d’autres) à bout de bras !

17/ Quant au clip de « Pageantrivia » (celui dans une chapelle), il permet de se rendre compte que le solo aigu que l’on entend de 1’43 à 2’40 n’est pas joué à la guitare mais à la basse ! Marc avait aussi impressionné en le jouant à la release party. Quelle est l’histoire de ce solo de basse hors du commun ?

Ah, nous y voilà ! Les solos de basse dans l’aigu sont une des évolutions de ce nouvel album.

Marc est un afficionado de fusion, il m’a fait découvrir des artistes légendaires tels que Allan Holdsworth ou Derek Sherinian, il joue et enregistre aussi avec le pianiste Tigran Hamasyan depuis quelques années (d’ailleurs ils sont en tournée en ce moment avec Matt Garstka de ANIMALS AS LEADERS à la batterie!) - bref, je lui ai proposé de prendre une place plus mélodique et atmosphérique dans cet album, car il a toujours eu ce vocabulaire dans ses cordes, en plus des gros riffs bien entendu.

Il y a aussi un solo de basse aigu dans l’intro du morceau « Steadfast (In The Face Of Tribulations) », et… il se peut que tu entendes à nouveau ce son atypique dans les prochains mois !

18/ « All You Can Kill », le premier single du nouvel album m’a vraiment bluffé la première fois que je l’ai entendu (et ça continue ;-)). Surtout le breakdown (à 1’51) qui vient après le solo de batterie ralentissant. Ça ne ferait pas tache dans une composition de Deathcore. Comment l’as-tu écrit ?

Ce breakdown, c’est de la faute de mes gars ! Haha

On était en répétition, on prenait une pause et ils écoutaient une track super lente de BLACK TONGUE pour se détendre !

J’ignore si BLACK TONGUE est considéré comme un groupe de Deathcore (les étiquettes et moi, ça fait deux) mais ça a suffi pour m’influencer et me donner envie d’intégrer un breakdown très lent dans ma prochaine compo pour CKRAFT.

L’idée de ce grand solo de batterie qui ralentit vient rejoindre celle du titre « All You Can Kill » : feu à volonté jusqu’à être à court de munitions. William (le batteur) et moi avons travaillé ensemble l’orchestration autour de ce concept : il fallait que ce soit très chargé au début, puis que ça finisse dans le grave, puis un énorme coup de caisse claire qui mène au fameux breakdown !

19/ J’ai aussi relevé des « pauses » de quelques secondes au sein d’autres compositions de votre récente sortie (« Misconstruction Of The Universe », « Uncommon Grounds », « Swallowed By The Storm »). Je n’avais pas ça en tête pour le premier album. Si c’est nouveau, qu’est-ce qui t’a inspiré à insérer ces petits breaks ?

Dans le mille ! La raison, c’est l’âge : depuis que j’ai la trentaine, j’ai le goût d’entendre une musique qui « respire » davantage.
Le silence, c’est le moyen le plus efficace pour mettre en valeur ce qui a été joué avant, et ce qui sera joué après !

20/ Avant de jouer « All You Can Kill » (qui était visiblement attendu), tu avais annoncé au concert de la release party que ce titre était spécial pour vous, sans détailler davantage. On veut en savoir plus !

« All You Can Kill » c’est une longue histoire ! Pour synthétiser en deux mots je dirais : « la mort ».

J’ai utilisé la mélodie du chant grégorien « Dies Irae », qui est l’hymne apocalyptique le plus connu de toute l’histoire de la musique, il symbolise la mort et le jugement dernier, tu peux trouver des versions chantées par des moines, jusqu’à son apparition dans des opéras, dans des jeux vidéo, en passant par le cinéma (la B.O. de « The Shining » de Stanley Kubrick étant l’exemple le plus connu).

Donc ça faisait longtemps que je voulais écrire un « Dies Irae » pour CKRAFT et qu’artistiquement, compte tenu de l’histoire de cet hymne, mon attente vis-à-vis de ce morceau était très élevée !

Il met tout le monde hautement à contribution, avec de nombreux changements d’ambiance, un solo de synthé, une cadence de batterie, le breakdown qui sort de nulle part, un autre solo de synthé, une sorte de choral pseudo-liturgique, soudainement un solo de sax accompagné uniquement par des chug de guitare, encore des transitions, et une fin sur un groove inspiré de « Remembrance » de GOJIRA, qui lui-même est interrompu par une longue plage bruitiste…

Bref, « All You Can Kill » c’est l’apocalypse, et clairement le morceau le plus rhapsodique de notre répertoire : il faut vraiment s’accrocher pour bien le jouer en live !

21/ Vous avez donné des concerts en France et en Allemagne. As-tu noté des différences entre ces scènes ? Des anecdotes de live à partager (peut-être selon les public Metal vs Jazz ?) ?

On n’a pas donné assez de concerts à l’heure actuelle pour faire une comparaison des publics qui soit digne d’intérêt.

Cependant j’ai noté quelques lieux communs, comme le fait que le public Metal bouge et interagit d’avantage que le public Jazz (parfois ce dernier est assis, ce qui n’aide pas) et que les Allemands sont peut-être plus… geek ?

On a joué dans un petit festival qui s’appelle Freakshow Artrock Fest à Wurzburg et 3/4 du public portait un pendentif ou des fringues de MAGMA. Ils ont absolument dévalisé notre merch, on n’a jamais vu ça en France.

22/ Avec quels groupes de Metal rêverais-tu de partager l’affiche ?

En premier je citerais MESHUGGAH sans aucune hésitation. Ils sont les dieux du Metal, je ne sors jamais indemne de leurs shows.

On a fait la première partie de SHINING (Norvège) l’an dernier, ils étaient en tournée anniversaire de leur album « Black Jazz » : j’adorerais refaire ça sur plusieurs dates car le co-plateau est très pertinent. Idem pour HYPNO5E pour lesquels on a ouvert le show au Trabendo pour leur sortie d’album « Sheol », ça a super bien marché avec le public et c’était une sacré claque en live pour nous aussi, ils ont un son énormissime et leur batteur est un fou furieux.

Je finirais ma whishlist par la (mal)sainte trinité suivante : ANIMALS AS LEADERS, CAR BOMB et IMPERIAL TRIUMPHANT.
Leurs publics sont fins prêts à écouter du CKRAFT.

Les dates ne sont pas fixées pour l’instant mais on travaille en ce moment à quelques pistes de concert avec le trio KILTER (qui comprend notamment Kenny Grohowski de IMPERIAL TRIUMPHANT à la batterie !), le leader (le bassiste Laurent David) et moi aimerions co-organiser un festival de Jazz-Metal à Paris ! On croise les doigts pour 2026.

23/ Y a-t-il une autre thématique récurrente que tu aimerais véhiculer à travers CKRAFT ? Peut-être une prise de conscience des travers de l’humanité : surpopulation (« Human Proliferation »), exterminations massives (« All You Can Kill »), trivialité (« Pageantrivia »), etc. ?

Oui, clairement le rapport de l’Homme aux figures de pouvoir. Que ce soit la religion, la royauté, la politique ou même la célébrité : il semblerait qu’on accepte l’idée que toutes les vies ne se valent pas, et je trouve cette idée à la fois obscure et super inspirante.

La plupart des œuvres d’art et compositions musicales les plus légendaires ont été créées dans un contexte de soumission absolue et volontaire, que ce soit à un dieu ou à une figure de pouvoir, et je trouve que les chants sacrés médiévaux véhiculent très bien cette idée !

24/ CKRAFT a remporté de nombreux concours : finales régionales des iNOUïS du Printemps de Bourges en Lorraine, lauréat d'une bourse du Conseil régional d'Île-de-France, finale du tremplin NancyJazzUp, finalistes et vote du jury du tremplin Tonnerre de Jazz, prix du public des Triomphes du Metal français. Cela pourrait donner en envie à un label de se pencher sur votre « cas ». Quel type de maison t’intéresserait pour produire la suite de vos aventures ?

Tout dépend du deal et de la personne qu’on a en face de nous, dans tous les cas il faudrait que ce soient des gens qui partagent une passion commune et qui voient ça comme un projet à (très) long terme. Au vu des rosters très atypiques de certaines maisons telles que Century Media ou Pelagic Records (ou même Tzadik le label de John Zorn!), on finira peut-être par rencontrer les « bonnes » personnes !

En attendant on sort tout en autoproduction avec notre structure Ckraftprod, ce qui me permet d’avoir une vraie connaissance de l’envers du décors et de l’aspect business derrière la production de shows et de disques, même si je dois avouer être souvent bien débordé !

Heureusement mon éditeur Les airs à vif (qui s’occupe aussi de CARPENTER BRUT, SIERRA, HOWARD, HORSKH et autres dingueries) me file un coup de main !

25/ Un mot sur CROZPHONICS, ton projet Jazz de chambre progressif, trio composé de deux violoncelles où tu joues de l’accordéon ?

Allez écouter « Race For Hope » pour vous donner une idée !
Un nouvel album est à venir avec ce trio, dans les prochains mois si tout va bien.
Il faut que je combine ça intelligemment avec CKRAFT pour ne pas tout sortir en même temps !

26/ On a interviewé ÆTHĚRĬA CONSCĬENTĬA en début d’année, un groupe nantais de Black Metal progressif avec saxophone également. Le connais-tu ? Quelles autres formations aimerais-tu recommander aux lecteurs de Thrashocore ? Et on te laissera conclure.

Je ne connaissais pas ÆTHĚRĬA CONSCĬENTĬA mais je vais aller écouter ça fissa !
En termes de groupe de Metal, ma claque de l’année (pour l’instant) est PORTRAYAL OF GUILT que j’ai eu l’occasion de voir en live, pour l’instant ils sont plutôt connus localement aux USA mais je pense qu’ils ont le potentiel de devenir des légendes mondiales du Black : pour une première approche je vous propose de commencer par leur album « Devil Music » sorti en 2023 (surtout si, comme moi, vous aimez autant les cordes pincées que les cordes frottées… je n’en dis pas plus !) puis « Christfucker » (« C**********R » sur les plateformes) sorti en 2021 (pas celui de 2024, ce sont des remix !)
Un dernier coup de cœur qui date de la semaine dernière, parmi les fans de CKRAFT : grâce à un commentaire sur nos réseaux sociaux, j’ai découvert un jeune compositeur et producteur basé à Strasbourg, il a une culture musicale énorme et sa créativité ne connaît aucune limite. Son nom d’artiste est Tachy Bunker et il suffit d’écouter son dernier single « Spiders from Space » pour comprendre la description que je fais de lui aujourd’hui. Ce single est le premier mouvement d’un symphonie électro expérimentale de 90 minutes annoncée pour juillet 2025 et qui traverse des tas d’idiômes musicaux et de carcans stylistiques différents, c’est un véritable bain de culture : j’ai l’impression d’entendre une collab entre SECRET CHIEF 3, Venetian Snares, une harmonie municipale, un orchestre de Gamelan indonésien et un compositeur microtonal contemporain le tout à 4h du matin dans une boîte de nuit berlinoise illégale. Voilà le pitch ! Tachy Bunker, à suivre de très près.
Découvrir de tels projets me rassure quant à l’avenir de la musique, il y aura toujours une poignée de fous pour exploser les cadres et les conventions, et aller jusqu’au bout de leurs idées ! Merci encore pour cet interview, de vous intéresser à la scène émergente et de créer un tel espace d’expression ! Thrashocore Kicks Ass !

2 COMMENTAIRE(S)

Tachy_Bunker citer
Tachy_Bunker
01/05/2025 09:14
Sosthène citer
Sosthène
27/04/2025 12:23
Super interview ! Qui donne envie de réécouter du Kraft !

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