Sosthène : Hyperborean Sonorousness European Onslaught 2025, quel programme. Voilà exactement le genre d’affiche qu’on affectionne au Klub (Paris). Du death metal bien faisandé, des logos illisibles, l’assurance de passer une soirée putride dans la moiteur confortable de ce sous-sol chéri. Qu’est-ce qu’on l’aime cette salle !
Si vous êtes un lecteur régulier de ces pages fleuries, vous n’avez pas pu passer à côté des Canadiens de SEDIMENTUM. Déjà parce qu’AxGxB en parle de façon élogieuse depuis 2019, année de sortie de leur première « Demo », ensuite parce que nous avions eu l’occasion de les voir en septembre 2023, au même endroit, dans le cadre de la tournée « Killtown Over Paris ». Concernant GRAVE INFESTATION, c’est aussi AxGxB qui s’y colle, sachant qu’en plus ces habitants de Vancouver viennent défendre leur dernier avortement, « Carnage Gathers ». Et pour ouvrir la soirée, un soupçon de nouveauté avec les Montpelliérains de TORTURED SACRAMENT, auteurs d’une démo « quatre titres » en mai 2024 et dont le style rudimentaire me semble parfaitement à sa place ce soir. Bon sang, je crois bien que je suis heureux en me rendant à ce concert, comme une midinette allant faire les soldes avec ses besties.
Lestat : Concert annoncé complet dans l’après-midi, j’avais bien fait de prendre ma place en avance (une « nouvelle » habitude depuis la reprise des concerts post-Covid). Il faut dire aussi que trois autres « collègues » de Thrashocore avaient également prévu d’y participer, ça met la puce à l’oreille. Et puis, ça ne veut bien sûr rien dire, mais la dernière tournée européenne de deux groupes canadiens avec des frenchies en ouverture (le Concile Des Fanges d’OSSUAIRE et DÉLÉTÈRE
+ A/ORATOS l’année dernière) à laquelle j’avais assisté m’avait bien plu, donc j’ai un a priori positif :-)
TORTURED SACRAMENT
Sosthène : Mais que vois-je ? La date est
sold out ? J’ai du mal à y croire… Et pourtant, la foule qui dégueule jusque dans le couloir au moment où je descends pour voir le groupe d’ouverture ne laisse aucune place au doute. Je suis en revanche assez étonné par ce que je découvre, ne reconnaissant pas vraiment ce que j’ai pu entendre sur la démo. Le son, l’attitude et les compos me font bien plus penser à un gros
hardcore metal chanté en
growl, ce sont pourtant bien les mêmes titres, la formation ouvrant avec « Stinking Swamp », premier morceau de leur unique publication. Les premiers rangs sont animés par des karatékas exubérants, dans une salle aussi exiguë que le
Klub tu as vite fait de prendre un ramponneau gratuitement, l’expérience ne me tente que moyennement… Dans tous les cas, il semblerait qu’une bonne partie du public soit là spécialement pour
TORTURED SACRAMENT car j’ai rarement vu l’endroit aussi rempli pour une première partie. Le style est efficace mais me laisse en revanche totalement froid, je ne tiendrai pas les vingt minutes et remonte donc prendre une bière puis jeter un œil au
merchandising, richement achalandé. Les fans auront cependant eu le plaisir de découvrir deux nouvelles compositions, ce qui est toujours un chic cadeau en concert.
Lestat : On commence avec une jeune entité (formée en 2023) qui n’a qu’une seule démo 4 titres (pour moins de 10 minutes) sortie l’année dernière à son actif. Le quartet n’a pas le temps de jouer une minute que 4-5 mecs se mettent directement à balancer moulinettes et coups de pieds retournés, ça surprend ! On attendrait plus ça devant un groupe de Hardcore que de Death Metal. Bon, je pense que les gars sont venus pour ça – et ils sont encouragés par
TORTURED SACRAMENT (« Foutez la merde » peut-on entendre à deux reprises) – car ce ne sont pas des têtes connues du Klub ni des autres salles underground Metal Extrême de Paris. La formation n’a pas non plus le
look ni l’attitude habituelle. Ici, c’est plutôt bonnet/sweat à capuche/parka, jusqu’au batteur qui porte un bonnet. Le guitariste arbore un t-shirt
NAILBOMB, projet qui a attiré une partie de la scène Punk/Hardcore. Voilà, il y a assurément un lien entre les deux scènes mais c’est finalement le ressenti qui fait plus parler de lui ensuite à la pause que ce qui a vraiment été joué. Et la prestation n’a pas fait l’unanimité du tout (enfin, auprès de ceux avec qui j’ai débriefé), des « On vient de perdre 20 points de QI », « C’est quoi ces gars ? » au « J’avais bien aimé en écoutant sur Bandcamp mais je n’ai pas apprécié en
live ». Comme quoi, même en musique, les yeux peuvent être aussi importants (voire plus) que les oreilles !
Concert filmé par Frankie Snow
GRAVE INFESTATION
Sosthène : Peut-être n’y aura-t-il que moi pour avoir trouvé la sonorisation de
GRAVE INFESTATION absolument dégueulasse mais, même pour ce style rustre, cela reste difficile de comprendre ce qui est joué. Les solos finissent en bouillie, le chant est trop en retrait, les rythmiques partent en cataclysme, reste l’intensité de ce
death tout en tripes dont j’avais un peu trop occulté la virulence, persuadé, à tort, que le groupe évoluait à une moindre vitesse. Bizarrement, c’est de cette cacophonie orchestrée que rejaillit mon intérêt car si sur album, «
Carnage Gathers » ne m’avait guère enflammé, un solide disque de deuxième division, la rage qui se dégage des versions
live compense allègrement le déficit d’originalité.
Pas grand-chose de plus à dire sur la prestation, qui aurait peut-être gagné à être moins bordélique mais pour finir c’est bien cette expression chaotique qui a rendu le
set attachant, à défaut d’être mémorable.
Lestat : On a affaire à 4 musiciens (deux guitaristes dont un aussi au chant, un bassiste et une batteuse) qui nous viennent de Colombie-Britannique et avec le concert qu’ils ont dû jouer la veille près de Lyon, je pense que c’est leur premier passage en France. Ils sonnent plutôt Death
old school, sont statiques et peu expressifs, ce qui calme un peu les karaté kids remarqués de la première partie. Je dis ça mais il y a bien 3-4
pogos virils qui se déclenchent pendant des accélérations. Je n’ai pas la
setlist, on peut cependant imaginer qu’ils doivent nous faire une version
live de plusieurs titres issus de « Carnage Gathers », leur deuxième album paru récemment (toute fin février). Comme le décrivait AxGxB dans sa chronique, sans qu’il n’y ait rien d’exceptionnel, les Canadiens savent nous offrir du Death Metal tout à fait convenable. J’ajouterais qu’en concert, ça fait du bien par où ça passe et que ces 35 minutes ont l’air de plaire à l’assemblée. Tiens, je vois que le guitariste-chanteur promeut
OUTRE-TOMBE avec son t-shirt, un groupe québécois dans lequel joue un ex-
SEDIMENTUM, la transition est toute trouvée pour vous parler de la suite.
Concert filmé par Frankie Snow
SEDIMENTUM
Sosthène : Si le groupe précédent a parfaitement joué son rôle de chauffe-salle,
SEDIMENTUM a quant à lui pulvérisé l’assistance. Déjà parce que le son était meilleur, mais certainement aussi parce que comme il recherche moins le sprint et évolue plutôt dans la catégorie des lanceurs de marteau, son
death a pu parfaitement exprimer toute son épaisseur, sans compter que même si l’originalité n’est toujours pas au rendez-vous, nous sommes tout de même sur un niveau d’inspiration et d’interprétation supérieur. Bizarrement, plus la soirée avance, moins il y a de monde dans la salle (bon, ce n’est pas flagrant non plus mais je le constate à la taille croissante de mon espace vital), alors qu’elle ne fait que musicalement se bonifier. De plus, je devais avoir de la bonne merde dans les oreilles lors de leur dernier passage car j’étais resté sur un sentiment mitigé qui n’est absolument plus le cas aujourd’hui. Les mecs ont une belle prestance sur cette petite scène du
Klub, leur approche opaque et dense développe une ambiance immersive et les Québécois sont clairement les grands gagnants de la soirée en dépit d’une discographie riquiqui. Rien à redire pour une formation de cette envergure.
Lestat : Le 3ème quartet de la soirée nous vient du Québec et est composé de 2 guitaristes, d’un bassiste (positionné au centre de la formation scénique) et d’un batteur. De façon inhabituelle, un guitariste et le batteur se partagent le chant, chacun jouant à celui qui aura la plus grosse… voix.
On peut noter avec amusement que le gratteux arrivé récemment (2024), un ex-
OUTRE-TOMBE d’ailleurs, porte A.G.B. comme initiales (pour Alexis Goulet-Bouchard), à ne pas confondre avec notre AxGxB ! C’est ce dernier qui dissèque les sorties de
SEDIMENTUM sur Thrashocore et quand il décrit leurs disques, les adjectifs « pesant », « lourd » et « putride » qu’il utilise illustrent parfaitement ce à quoi nous sommes en train d’assister. L’amateur de
dISEMBOWELMENT qui se trouve deux mètres devant moi n’est à point douter pas ici ce soir par hasard. Notre chroniqueur abordait également des parties « plus agressives et brutales » entendues sur l’EP
« Derrière Les Portes d'Une Arcane Transcendante » d’octobre 2024. On les retrouve sur la
setlist et c’est justement quand elles sont jouées que ça se met à
pogoter dans tous les sens. Un retour en France réussi avec des applaudissements de la part d’un public conquis par ces 40 minutes, dommage qu’il n’y ait pas de demande pour un rappel car le côté globalement pachydermique de la troupe en aura fait mon groupe préféré de la soirée.
Concert filmé par Frankie Snow
Sosthène : En synthèse, je jetterai une oreille curieuse au prochain TORTURED SACRAMENT pour me faire une idée définitive, j’approfondirai mes écoutes concernant GRAVE INFESTATION que j’ai survolé trop hâtivement et je réintègrerai dès ce soir « Suppuration Morphogénésiaque » dans mon baladeur pour qu’il accompagne mes soirées lectures, d’autant que l’on vient de m’offrir les nouvelles traductions de Lovecraft parues chez La Pléiade, cela me semble être la musique adéquate pour habiller ces pages de saine littérature.
Lestat : Un grand merci à Killtown Bookings pour cette tournée européenne, à Sonic Mass Booking pour la date parisienne, ainsi qu’aux groupes pour le déplacement !
1 COMMENTAIRE(S)
21/03/2025 07:46
Grave Infestation : le foutoir sonore, dommage mais le groupe se donnait bien, ça a un peu rattrapé le coup. Une femme derrière les fûts aussi, c'est bien, on en voit pas assez souvent.
Sedimentum : les patrons de la soirée même si j'accroche plus aux morceaux de l'album qu'à ceux du dernier EP qui traînent un peu trop en longueur.