Mais qu’il est plaisant de rencontrer un groupe comme Purification ! Si cela n’était pas aller contre leur goût pour le blasphème, je dirais que les Ricains sont bénis des dieux, tant ils sont parvenus à poser leur marque sur le doom en peu de temps. Projet formé en 2018, trois albums au compteur, dont deux parus rien qu’en 2020 et ce, avec une progression constante dans la qualité : on a rarement vu aussi grand coup d’éclat, en particulier dans un genre aussi codifié et avare en excellentes sorties que le doom metal (même si cela a tendance à changer, cette année 2021 étant particulièrement riche pour le style).
Paru quelque mois avant le quasi-parfait
Dwell in the House of the Lord Forever,
Perfect Doctrine montre en effet un groupe déjà sûr de lui et de sa musique. L’art est parfaitement respecté, avec la classe inhérente à ce projet où le meilleur de la jeunesse se met au service d’un doom tutélaire, si vieux qu’il paraît sans âge, des images de sorcellerie, d’affrontements médiévaux, d’occultisme pointant le bout de son nez narquois pour répondre aux inquisiteurs, étant ici contées avec une insolence et un charisme qui subjuguent une nouvelle fois, même sur un terrain moins directement émotionnel que son successeur et ses clins d’œil à Warning.
Non, ici, ça bataille dur, la voix de Marshall William Purify s’élançant régulièrement dans des harangues guerrières, enchanteresses – c’est que le bougre chante merveilleusement bien, avec l’intransigeance d’un Sami Hynninen, le feeling d’un Lee Dorian et même l’aura ténébreuse d’un Andrew Eldritch ! – mais prêtes à verser le sang ennemi (« On the Wings of Pestilence, Darkness Takes Flight »). Sa doctrine, Purification l’étale en long et large, prenant la table des lois de Reverend Bizarre pour en faire son propre lexique. Malgré la rudesse d’une production volontairement lo-fi, malgré l’austérité des riffs et effets, la bande de Portland se réapproprie les codes du genre avec une avidité et un talent bien à elle. Impossible de résister à ces guitares mélodiques, prenant au col dès « Opium Blade », ni à ce chant si enjôleur, grave et gorgé d’âme – « soulful ». Un sens de l’accroche qui fait la différence, apporte ce petit plus faisant de
Perfect Doctrine un élève s’élevant au rang de maître, prenant à pleines mains une diversité d’ambiances, tantôt belliqueuses, enfiévrées, sataniques, groovy même lors du tube « Throw Away the Cross », l’ironie des paroles se chargeant de lier l’ensemble (autre révérence faite au Révérend).
Au point que l’on peut avoir la sensation de se perdre dans ce disque, généreux mais demandant un temps pour s’acclimater à ses atmosphères référencées. Purification choisit de ne pas choisir sur
Perfect Doctrine, montrant la profondeur d’un traditionalisme plus varié qu’il peut le laisser croire (les relents psychédéliques parsemant le disque, cf. « All the Glittering Jewels (Part II) » ou encore le passage éthéré de « Dark Age Warlord Resurrected by Seditious Trickery »). On est alors épaté par cette richesse qu’une manière de composer mélodique et réfléchie permet de rendre digeste, en dépit d'une comparaison défavorable avec le plus fluide
Dwell in the House of the Lord Forever, où les Ricains se montreront plus homogènes sans perdre en personnalité.
Je n’aurais pas aimé chroniquer
Perfect Doctrine au moment de sa sortie. Époustouflant d’élégance et de maîtrise, il aurait pu devenir un coup de cœur de l’année précédente avant l’arrivée du magnifique
Dwell in the House of the Lord Forever (les critiques plus que positives qu’il a entraîné à sa sortie ne disent pas autre chose). Toujours est-il que les quelques traces d’immaturité que l’on peut trouver ici ne se ressentent jamais comme une baisse en qualité sur ces quarante-deux minutes. Son écoute est donc fortement conseillée, ne serait-ce que pour le final sentimental et recueilli « The Theurgy / Lunar Hymn 999 », préparant la beauté sacrée qui suivra ce disque peu de temps après. Il me tarde de voir ce qui prolongera ce hold-up qu’a réussi Purification en 2020 mais une chose est déjà certaine : réaliser deux disques de doom aussi excellents en une période aussi courte n’est clairement pas donné à tout le monde !
4 COMMENTAIRE(S)
10/04/2024 13:33
"Opium Blade", quelle entame et quel tube!
Surement mon préféré avec le dernier Elphinstone sorti en 2023, auto-édité.
Malheureusement, autant je respecte l'attitude DIY et underground du groupe, autant celui-ci mérite une bien meilleure exposition. Sorti de Bandcamp et de cd édités à 50ex. le groupe n'a aucune visibilité. Triste...
Je confirme, j'ai commandé le CD et je ne l'ai jamais reçu...
03/04/2024 22:16
"Opium Blade", quelle entame et quel tube!
Surement mon préféré avec le dernier Elphinstone sorti en 2023, auto-édité.
Malheureusement, autant je respecte l'attitude DIY et underground du groupe, autant celui-ci mérite une bien meilleure exposition. Sorti de Bandcamp et de cd édités à 50ex. le groupe n'a aucune visibilité. Triste...
20/05/2021 17:27
Un poil moins efficace que son successeur donc, néanmoins, une fois qu'on est entré dedans c'est terriblement envoutant, les quelques défauts n'entachent pas le plaisir d'écoute, surtout avec cette voix, décidément d'une classe et d'une facilité épatante!
Je ne sais pas quel âge ont ces bougres (je dirais autour de 25 vu les tronches) mais si on suit la théorie qui dit que les meilleurs albums sont pondus par des groupes avec une moyenne d'âge autour de 25 ans (ce qui se vérifie pour quasi tous les albums cultes du 20ème siècle!) faut absolument qu'ils continuent à sortir 1 ou 2 albums par an
16/05/2021 09:34
edit : ah, je viens de voir qu'elle est prévue pour juin. Ces gens sont fous.